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Les recommandations de la commission

Voici les recommandations que la Commission nationale adresse au gouvernement du Québec. Celles-ci se rapportent aux éléments essentiels discutés par la Commission. Un grand nombre de recommandations se retrouvent dans les rapports des commissions régionales, des jeunes ou des aînées et aînés. Elles devront être examinées avec la plus grande attention par le gouvernement du Québec. Elles touchent bien sûr les dispositions de l'avant-projet de loi mais aussi des sujets aussi importants que l'éducation, la culture, le patrimoine, l'environnement, la famille, le vieillissement, l'emploi, la fiscalité, etc. Ces recommandations sont brièvement évoquées dans la deuxième partie du présent rapport.

La souveraineté

La Commission nationale sur l'avenir du Québec:

1 - estime inacceptable et contraire aux intérêts supérieurs du Québec l'imposition de la Constitution de 1982 qui a créé l'impasse politique dans laquelle le Québec a été plongé contre son gré. Elle considère urgent de dénouer cette impasse et d'ouvrir la voie à des changements majeurs;

2 - affirme que la souveraineté est la seule option apte à répondre aux aspirations collectives des Québécoises et des Québécois;

3 - recommande que le projet de loi sur la souveraineté précise que le Québec est un pays de langue française et que le gouvernement s'engage à assurer la protection et l'épanouissement de la culture québécoise.

La Déclaration de souveraineté

4 - La Commission recommande que la Déclaration de souveraineté soit rédigée à partir des attentes qui ont été exprimées lors des audiences et dont voici les principaux éléments:

l'expression de notre volonté d'être maîtres de notre destinée, d'habiter et de prospérer sur un territoire en Amérique qui nous est propre, différents et distincts par notre langue, notre histoire, nos coutumes, notre manière d'être, d'agir et de penser;

la compétence exclusive de notre État de légiférer et de prélever des impôts sur son territoire, d'agir directement sur la scène internationale pour conclure toute forme d'accord ou de traité avec d'autres États souverains et de participer pleinement aux institutions internationales;

le français est la langue commune et officielle des Québécoises et des Québécois;

la protection et la promotion des droits intrinsèques et inaliénables que sont la liberté, la justice, l'égalité et la paix;

notre attachement profond aux droits et libertés civils et politiques mais aussi économiques, sociaux et culturels;

notre attachement aussi aux devoirs et responsabilités de chacun ainsi qu'aux droits collectifs de la communauté;

l'obligation pour chacun de respecter les droits et libertés d'autrui;

Le respect de la vie démocratique et de la vie familiale; l'importance de l'éducation et de la solidarité sociale;

l'égalité des hommes et des femmes, la lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale, le respect de l'environnement et la solidarité internationale;

la préservation des valeurs humaines et spirituelles héritées du passé et le développement des valeurs nouvelles créatrices de civilisation;

le Québec est un État décentralisé.

La constitution

La Commission recommande au gouvernement du Québec:

5 - la formation d'une Assemblée constituante élue ayant pour mandat de rédiger un projet de constitution; cette Assemblée serait composée à part égale d'hommes et de femmes;

6 - que la constitution comporte, entre autres, les éléments contenus dans la déclaration de souveraineté, une Charte des droits et libertés de la personne et une reconnaissance des droits de la minorité anglophone et des nations autochtones.

La culture

La Commission recommande au gouvernement du Québec:

7 - que le Québec souverain exploite pleinement ses nouveaux leviers de développement en matière de culture, qu'il s'agisse d'exportation, de sauvegarde et de mise en valeur des biens culturels, du soutien au développement culturel, entre autres par une politique des droits d'auteur, du développement de nos industries culturelles, du rayonnement culturel international, du développement de l'autoroute de l'information, d'une implication plus importante des organismes locaux dans le développement culturel des régions, du développement de Québec et de Montréal respectivement comme capitale et métropole culturelle ainsi que du dialogue des cultures entre les communautés culturelles habitant sur le territoire du Québec;

8 - de mettre rapidement sur pied un groupe de travail chargé d'étudier l'enseignement de l'histoire à l'école autant que sa diffusion populaire.

La nationalité

9 - La Commission recommande que le gouvernement du Québec utilise dans son projet de loi le terme <<nationalité>> plutôt que celui de <<citoyenneté>>.

La minorité anglophone

10 - La Commission recommande que la Constitution garantisse à la communauté anglophone du Québec la préservation de son identité et de ses droits historiques.

Les autochtones

La Commission recommande que le gouvernement du Québec:

11 - reconnaisse les droits des autochtones et négocie avec eux dans le respect de la constitution, du territoire et des lois du Québec;

12 - associe les populations locales et régionales concernées par toute négociation d'entente avec les autochtones;

13 - informe la population, particulièrement les autochtones, du contenu de toute entente à être négociée, du déroulement des négociations et de leurs résultats;

14 - diffuse davantage d'information sur la situation des autochtones, leurs droits ancestraux, leurs revendications et les sections du droit international qui les concernent;

15 - explicite davantage sa vision des rapports que le Québec devrait entretenir avec la population autochtone.

16 - La Commission demande également aux leaders autochtones d'être plus réceptifs aux préoccupations des autres Québécois. Elle juge qu'aucune entente ne pourra être durable si on ne sent pas que des compromis ont été faits de part et d'autre.

Les communautés culturelles

17 - La Commission recommande au gouvernement du Québec de fournir un soutien accru aux mesures d'accueil des immigrants, d'apprentissage de la langue française et d'initiation à la culture et à l'histoire du Québec.

L'union économique

18 - La Commission recommande au gouvernement d'indiquer, dans le projet de loi, quelles institutions communes de gestion des divers aspects de l'association économique et monétaire il considère souhaitables. Parmi elles devrait figurer un tribunal commun de résolution des conflits.

L'union politique

La Commission considère que, une fois acquise, la souveraineté sera, pour le Québec, le signal d'un nouveau départ dans un partenariat avec le Canada qui n'exclurait pas éventuellement une forme d'union politique.

19 - La Commission recommande que le gouvernement du Québec et le projet de loi indiquent qu'un Québec souverain pourrait proposer et négocier des structures politiques communes et mutuellement avantageuses, lorsque les conditions le permettront.

Le partage des biens et de la dette

La Commission croit que le Québec dispose d'un important pouvoir de négociation sur la question des biens et de la dette. Elle recommande donc:

20 - que le gouvernement énonce son intention de négocier sa juste part des biens et de la dette;

21 - de mettre en relief, dans le cadre d'une campagne d'information, la récupération des actifs afin de présenter la question du partage des biens et de la dette dans leur juste perspective, la dette ayant jusqu'à présent constitué l'objet unique des débats;

22 - de prévoir, dans le cadre de ses négociations d'État à État avec le Canada, le partage des archives revenant de droit au Québec. Le même processus devra être établi pour tous les autres biens patrimoniaux situés à l'extérieur du Québec et sur lesquels le Québec souverain estime détenir des droits.

Les pensions et suppléments du revenu

23 - La Commission recommande qu'en plus des pensions et suppléments payables aux personnes âgées, le gouvernement du Québec introduise dans son projet de loi des dispositions en ce qui concerne toutes les autres prestations versées aux individus par le gouvernement fédéral.

L'intégration des fonctionnaires fédéraux

La Commission recommande que le gouvernement du Québec s'engage:

24 - à garantir aux fonctionnaires fédéraux qui résident au Québec leur intégration à la fonction publique québécoise;

25 - à présenter un énoncé de politique d'intégration après consultation des organisations syndicales fédérales et québécoises concernées;

26 - à reconnaître l'Outaouais comme troisième pôle administratif du Québec et à y maintenir une présence significative;

27 - à doter l'Outaouais des outils et du soutien financier nécessaires pour l'aider à diversifier son économie.

La décentralisation

La Commission recommande:

28 - que dans la Constitution d'un Québec souverain soit clairement rappelée l'importance de la décentralisation comme fondement d'une organisation politique;

29 - que les modalités de cette décentralisation soient prévues et appliquées graduellement par voie de législation;

30 - que le gouvernement poursuive les discussions avec l'ensemble de ses partenaires en vue d'approfondir les avantages et les inconvénients des divers scénarios possibles de décentralisation.

Montréal, la métropole

Considérant l'ampleur de la question de l'intégration des immigrants à Montréal et considérant les nouveaux outils en matière linguistique dont disposera le Québec une fois sa souveraineté déclarée, la Commission recommande:

31 - de mettre sur pied, dès la première année, une commission nationale d'enquête sur la question linguistique et sur l'intégration des immigrants au Québec, particulièrement dans la région de Montréal.

Cette commission aura pour mandat de:

- faire le point sur la situation réelle du français au Québec et en particulier à Montréal;

- inventorier les nouveaux moyens légaux et constitutionnels nouvellement mis à la disposition du Québec en matière linguistique (notamment la capacité d'établir des structures scolaires linguistiques);

- recommander au gouvernement les moyens propres à préserver et à promouvoir le français et, en particulier, à freiner son déclin à Montréal et ce, dans le respect des droits de la minorité anglophone.

Considérant l'ampleur de la détérioration de la situation socio-économique de la métropole, la Commission recommande au gouvernement du Québec:

32 - d'accorder, dans sa politique d'intervention pour Montréal, une priorité absolue à la lutte à la pauvreté, au décrochage scolaire, à la création d'emplois, à l'insertion sur le marché du travail, à la formation et au recyclage de la main-d'oeuvre afin d'accroître le développement;

33 - de revoir le pacte fiscal actuel afin que soient dégagés les revenus nécessaires au relèvement des défis majeurs auxquels Montréal se trouve confrontée et de jeter les bases d'une réorganisation du pouvoir régional en vue de créer, autour de la ville, une véritable région métropolitaine.

Québec, la Capitale

Selon la Commission:

34 - il est de l'intérêt d'un Québec souverain d'affirmer le rôle de leadership qu'il entend voir jouer à sa capitale et cette dernière devrait faire l'objet d'un plan global de développement;

- il est également important de s'assurer que la Capitale sera le coeur des activités de l'État.

Le progrès social et l'emploi

35 - La Commission, dans le but d'assurer la dignité et la pleine autonomie de toutes les citoyennes et de tous les citoyens du Québec, recommande au gouvernement du Québec de réunir les conditions nécessaires pour que soit définie et appliquée une stratégie nationale de l'emploi et de solidarité sociale.

Cette stratégie comportera, entre autres:

- des mesures de relèvement de la capacité de production des entreprises par la stimulation de l'innovation et de la recherche et développement;

- un soutien à l'initiative et à l'accompagnement de l'entrepreneurship local, un soutien accru aux jeunes diplômés et aux travailleurs licenciés, une aide à la réalisation de projets communautaires qui misent sur la volonté et la capacité des milieux de se prendre en charge et de se responsabiliser;

- le développement de nouveaux créneaux d'emplois pour ceux et celles qui ont besoin de réintégrer le marché du travail, ayant été laissés pour compte par le système scolaire ou par le développement technologique;

- une concertation pour contrer la précarité de l'emploi et promouvoir l'équité salariale;

- la reconnaissance de l'action communautaire et des activités bénévoles comme apports essentiels à la valorisation des compétences personnelles et à la création de réseaux de solidarité;

- une réflexion nationale et régionale visant à introduire de nouvelles pratiques sociales basées sur la solidarité: partage de l'emploi, réduction du temps de travail et révision de la fiscalité pour favoriser ces mesures.

Les organisations internationales et les traités

La Commission:

36 - recommande d'ajouter au projet de loi sur la souveraineté que le Québec devienne membre de l'Organisation des États américains (OEA) et de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE);

37 - appuie le principe de la continuité quant à l'OTAN et NORAD, compte tenu que la continuité est nécessaire à la reconnaissance rapide et aisée du Québec comme nouvel État. Elle recommande cependant de tenir une consultation publique sur la place du Québec dans ces alliances au moment du renouvellement de ces accords ou au plus tard dans cinq ans;

38 - recommande de reconnaître la région de l'Outaouais comme siège des institutions régissant les relations économiques entre le Québec et le Canada ainsi que les accords de portée continentale.

Un projet de société pour le Québec

39 - Puisque la souveraineté est aussi un moyen pour donner au Québec un nouveau départ et aux Québécoises et aux Québécois l'occasion de créer une société qui leur ressemble, la Commission nationale recommande au gouvernement de produire, à la lumière des consultations, une déclaration gouvernementale dans laquelle il esquissera un projet de société pour le Québec à venir.

Informer les Québécoises et les Québécois

40 - La Commission nationale tient également à recommander au gouvernement du Québec d'apporter des réponses les plus complètes possibles aux principales questions qui ont été posées par la population lors de la consultation. Celles-ci touchent la dette et la capacité du Québec à en assurer la réduction et l'élimination, l'intégrité du territoire, la gestion des affaires économiques et politiques communes avec le Canada dans le cadre d'institutions appropriées.

Plusieurs commissions ont recommandé, et elles sont en cela rejointes par la Commission nationale, que le gouvernement soutienne un organisme ayant pour mandat de fournir toute l'information que les citoyens pourraient réclamer, de faire connaître à différents groupes et associations les conclusions du présent rapport et de voir à la poursuite de la réflexion dans une foule de milieux, institutions d'enseignement, associations syndicales, groupes communautaires, etc. Pour que la dynamique du changement se réalise pleinement, une consultation doit toujours être suivie d'une phase de retour d'information.

L'orientation politique que propose la Commission est claire, car elle apparaît être la seule issue pour aller au-delà du <<sur place>> auquel les Québécoises et les Québecois sont à tout jamais condamnés à la suite de l'imposition du cadre constitutionnel. La Commission fait appel à la mobilisation pour que citoyens et associations, au-delà de leurs orientations et idéologies, de leur différences linguistiques ou culturelles, saisissent bien quelles sont les conséquences de lier le destin du Québec à la Constitution imposée de 1982. Cette loi dont la population connaît à peine les conséquences, est une erreur historique pour le Canada, un affront pour le Québec et un gage de perpétuels tiraillements politiques entre le Québec et le Canada. Elle a comme principal caractère de ne plus pouvoir être changée.


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