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La première chose dont il faut témoigner est le caractère profondément démocratique de la démarche qui se termine et la valeur historique qu'elle acquiert ainsi comme expression d'une partie de la population. C'est avec beaucoup d'empressement que des milliers d'individus et d'organismes ont accepté de venir exprimer leurs visions de l'avenir du Québec. Ils l'ont fait avec beaucoup de générosité car le court temps qu'on leur avait alloué pour la préparation de leurs interventions a exigé de chaque intervenant qu'il travaille, souvent, presque jour et nuit afin d'être prêt au moment voulu. Ils l'ont fait fréquemment avec beaucoup d'émotion, avec une foi profonde que leurs paroles seraient retenues, une satisfaction sensible de la démarche d'écoute qu'on leur proposait.
Les Québécoises et les Québécois ont le goût de la démocratie et veulent s'engager dans la construction du pays. Leur présence, leurs interventions, leurs dires manifestent nettement qu'ils veulent être bien informés et participer. S'ils ont, tout au long des séances d'audition des commissions, posé des questions, c'est qu'ils veulent connaître la vérité, car ils n'ont pas peur de la vérité. Ils ne veulent pas qu'on leur présente leur avenir comme une image d'Épinal mais bien comme un tableau qu'on brosse avec vigueur et qui dit tout, clairement, simplement, directement. Ils n'ont que faire, dans cette démarche précise, ni d'impressionnisme, ni de symbolisme, ni de clair-obscur. Ils veulent, au moment de choisir la route, avoir en main une bonne carte géographique.
De Hull jusqu'à Gaspé, de Montréal jusqu'à Blanc-Sablon, chez les aînés comme chez les jeunes, les Québécoises et les Québécois ont dit avec beaucoup d'intensité leur soif de changement. Ils ont souvent exprimé leur fatigue au sein d'une organisation sociale où beaucoup d'entre eux étouffent. Ils ont dit leur dégoût des tracasseries administratives, des multiples démarches nécessaires et souvent improductives, de la complexité technocratique qui les écrase aussi bien que de la pauvreté qui les entoure. Ils sont venus nous parler des démunis, des chômeurs, de tous ceux et celles qui sont marginalisés et dont la société ne s'occupe pas suffisamment. Ils ont fait comprendre que cette société dans laquelle ils vivent est, pour beaucoup trop d'entre eux, sans promesse d'avenir comme un jour sans lendemain qui pourtant se répéterait constamment sans que jamais un espoir ne puisse l'habiter.
Ils ont alors parlé, de toutes sortes de manières, d'un projet de société. D'un projet de société qui ressusciterait l'espérance de jours meilleurs et la possibilité d'y parvenir.
Constamment, chacun à sa façon, ils ont redit la nécessité d'un renouveau social. Ils ont compris que ce renouveau, ce véritable projet de société peut être atteint en faisant du Québec un pays. En effet, pour eux, la souveraineté n'est pas une fin, mais un moyen. Un moyen de se donner, à soi et pour soi, un véritable projet. Un projet mobilisateur et créateur, correspondant exactement à leurs besoins. Car ils comprennent que la souveraineté n'a de sens que si elle mène à un changement profond de la société actuelle comme ils comprennent, aussi, que sans la souveraineté ce changement n'est pas possible parce qu'on a déjà organisé une manière d'être sociale, économique et culturelle. Mais cette manière d'être a été pensée en fonction de l'ensemble canadien dans lequel ils ne sont que minoritaires et provinciaux. Il y a donc, disent-ils, une double réalité: la souveraineté ne peut être bonne que si elle mène à un nouveau projet de société et tout projet de société qui puisse être bénéfique et adapté aux besoins des Québécoises et des Québécois ne peut se faire que si le Québec est souverain.
Le défi est là: le Québec doit décider de prendre en main son propre destin. Il reste aux femmes et aux hommes du Québec à le faire. Ces femmes qui depuis les débuts du Québec, mères de famille, enseignantes, infirmières ont toujours été au coeur du maintien de la langue et de la culture, de l'organisation sociale et de plus en plus, aujourd'hui, présentes à l'organisation politico-économique de notre société, ces hommes québécois qui depuis les colons et les marchands des premiers jours jusqu'aux élus politiques et aux chefs d'entreprises d'aujourd'hui ont toujours su maintenir le cap d'une démarche qui n'était que de survivance doivent, maintenant, ensemble, décider s'ils acceptent de diriger notre marche vers un avenir refait par nous et pour nous.