En conséquence, la Commission recommande qu'en plus des pensions et suppléments payables aux personnes âgées, le gouvernement du Québec introduise dans son projet de loi des dispositions en ce qui concerne toutes les autres prestations versées aux individus par le gouvernement fédéral.
L'avant-projet de loi prévoit, en conséquence, que les fonctionnaires fédéraux qui résident au Québec jouiront d'une priorité d'embauche dans la fonction publique québécoise.
Les Québécoises et les Québécois, on le sait, demeurent sous-représentés dans la fonction publique fédérale: ils constituent 18 % des effectifs alors qu'ils représentent 24,9% de la population canadienne. Le nombre d'employés requis pour assurer la poursuite des activités fédérales au Québec étant à peu près équivalent à celui des employés fédéraux qui y résident déjà, la Commission croit que l'intégration de ces personnes à la fonction publique québécoise apparaît nécessaire, possible et réalisable. Plusieurs continueront d'exercer le même genre de fonctions. Un certain nombre de ces ex-employés fédéraux devront toutefois occuper des fonctions dans des secteurs qui n'étaient pas tout à fait les leurs auparavant. La Commission souhaite donc qu'une attention toute particulière soit accordée à ces personnes dans le cadre de cette intégration.
La Commission recommande donc que le gouvernement du Québec s'engage:- à garantir aux fonctionnaires fédéraux qui résident au Québec leur intégration à la fonction publique québécoise;
- à présenter un énoncé de politique d'intégration après consultation des organisations syndicales fédérales et québécoises concernées;
- à reconnaître l'Outaouais comme troisième pôle administratif du Québec et à y maintenir une présence significative;
- à doter l'Outaouais des outils et du soutien financier nécessaires pour l'aider à diversifier son économie.
La décentralisation dans un Québec souverain
La Commission constate que la presque totalité des commissions se sont
prononcées en faveur de la décentralisation des pouvoirs. Elle
constate également qu'il existe un très large consensus parmi les
intervenants quant aux grands principes qui doivent guider l'implantation d'une
politique de décentralisation.
La Commission constate qu'au-delà des convergences et des consensus relevés en matière de décentralisation, les intervenants ont exprimé une grande diversité d'opinions concernant les compétences des instances régionales et les ressources financières et fiscales qui leur seraient consenties. Dans les interventions, le vocabulaire de la décentralisation varie d'ailleurs considérablement d'une municipalité et d'une région à l'autre, engendrant parfois une certaine confusion dont les effets nuisent à la concertation et au développement régional. La multitude et la superposition des divers découpages territoriaux des ministères du gouvernement québécois et du gouvernement canadien, est-il besoin de le souligner encore ici, ne font qu'ajouter encore à la confusion des débats.
En conséquence la Commission recommande:- que dans la Constitution d'un Québec souverain soit clairement rappelée l'importance de la décentralisation comme fondement d'une organisation politique;
- que les modalités de cette décentralisation soient prévues et appliquées graduellement par voie de législation;
- que le gouvernement poursuive les discussions avec l'ensemble de ses partenaires en vue d'approfondir les avantages et les inconvénients des divers scénarios possibles de décentralisation. Un redécoupage territorial cohérent des régions devra également être établi en tenant compte des facteurs géographiques, économiques, sociaux et culturels propres à chacune des régions applicables dans un Québec souverain.
Un premier constat saute aux yeux: tous appuient la nécessité d'une réforme majeure et d'une nouvelle répartition des pouvoirs et responsabilités avec les enveloppes budgétaires requises et un nouveau partage de l'assiette fiscale. Cet élément fait appel à une nécessaire imputabilité des gestionnaires.
À cet égard, la Commission est d'avis que le gouvernement d'un Québec souverain devra faire preuve de courage et de leadership afin de préparer la décentralisation en concertation avec les intervenants concernés. La Commission croit que la nouvelle société québécoise serait mieux servie par une réforme en profondeur des structures régionales existantes.
L'objectif à atteindre sera la fusion de structures ou la mise en commun de services visant une meilleure gestion des biens publics et des services aux citoyens notamment en regard de la santé, de l'éducation, des loisirs, de la culture tant au niveau national ou régional que local.
Montréal, la métropole
Dans tous les pays, la métropole est appelée à jouer un
rôle de premier plan. Une métropole constitue le pôle de
développement à partir duquel vont rayonner un ensemble
d'activités qui se déploient ensuite sur tout le territoire
national, influençant ainsi l'ensemble de sa vie économique,
sociale et culturelle. Montréal constitue la plus grande
agglomération urbaine du Québec: 1,8 million de personnes y
habitent, soit 26 % de la population du Québec. Constituant le coeur de
cette région, l'Île de Montréal a toujours
représenté le centre culturel et économique du
Québec et la principale ouverture du Québec sur le monde. C'est
là que se concentrent les activités du <<tertiaire
moteur>>.
Cependant, et en dépit de cette situation stratégique, l'Île de Montréal a dû affronter des défis majeurs au cours des deux dernières décennies:
- un exode de 220 000 résidents parmi les plus jeunes et les plus scolarisés;
- un appauvrissement et un vieillissement accélérés de sa population qui ont débuté plus tôt et qui ont été plus prononcés que partout ailleurs au Québec.
Ces changements ont affecté le portrait socio-économique de la métropole. En 1990, parmi toutes les régions métropolitaines de la fédération canadienne, le grand Montréal affichait, avec 22 %, la plus forte proportion de personnes à faible revenu du Canada. Or 70 % de ces personnes habitaient l'Île elle-même. Fait très inquiétant, des études plus récentes montrent que l'appauvrissement de la population montréalaise s'est encore accentuée au cours des dernières années.
C'est dans ce contexte de plus en plus difficile que Montréal doit assumer une responsabilité particulièrement importante pour l'avenir du Québec: l'intégration socio-économique et linguistique des nouveaux arrivants. L'immigration, par son apport constant de nouvelles compétences et de nouvelles sensibilités culturelles, constitue une richesse sans pareille pour une société. Elle pose pourtant un défi de taille: si cette société veut éviter de voir apparaître et se développer des tensions sociales, elle doit faire en sorte de favoriser une communication et une cohésion qui transcendent les différences, de développer et transmettre une culture publique commune, en plus d'assurer que l'économie soit en mesure d'intégrer ces nouveaux arrivants au marché du travail québécois.
Les prévisions démographiques évoquées au début de cette deuxième partie du rapport laissent présager un déclin progressif du français à Montréal au cours des prochaines années. Les défis posés par l'intégration des immigrants à la langue de la majorité, joints à l'attraction traditionnellement forte de l'anglais à Montréal, incitent donc à la plus grande vigilance. La prédominance du français et son épanouissement futur sont loin d'y être assurés de façon définitive.
Considérant l'ampleur de la question de l'intégration des immigrants à Montréal et considérant les nouveaux outils en matière linguistique dont disposera le Québec une fois sa souveraineté déclarée, la Commission nationale recommande:- de mettre sur pied, dès la première année, une commission nationale d'enquête sur la question linguistique et sur l'intégration des immigrants au Québec, particulièrement dans la région de Montréal.
Cette commission aura pour mandat de:
- faire le point sur la situation réelle du français au Québec et en particulier à Montréal;
- inventorier les nouveaux moyens légaux et constitutionnels nouvellement mis à la disposition du Québec en matière linguistique (notamment la capacité d'établir des structures scolaires linguistiques);
- recommander au gouvernement les moyens propres à préserver et à promouvoir le français et, en particulier, à freiner son déclin à Montréal et ce, dans le respect des droits de la minorité anglophone.
Des actions vigoureuses sont également requises à Montréal pour assurer l'adaptation des équipements et des services de la région au phénomène croissant de vieillissement de la population, la doter des ressources nécessaires à l'intégration rapide et harmonieuse des nouveaux arrivants, accélérer l'adaptation de la structure économique aux nouvelles tendances de l'économie mondiale, pourvoir la région des équipements et des services spécialisés dont elle a besoin pour jouer pleinement son rôle de métropole du Québec. Il faut également contribuer activement et de toute urgence à l'adaptation de l'éducation et de la formation permanente à Montréal, améliorer et compléter le réseau de ses infrastructures, en particulier les transports et les télécommunications et revoir entièrement la répartition des responsabilités dans la région métropolitaine.
- d'accorder dans sa politique d'intervention pour Montréal, une priorité absolue à la lutte à la pauvreté, au décrochage scolaire, à la création d'emplois, à l'insertion sur le marché du travail, à la formation et au recyclage de la main-d'oeuvre afin d'accroître le développement;
- de revoir le pacte fiscal actuel afin que soient dégagés les revenus nécessaires au relèvement des défis majeurs auxquels Montréal se trouve confrontée et de jeter les bases d'une réorganisation du pouvoir régional en vue de créer, autour de la ville, une véritable région métropolitaine.
Considérant l'ampleur de la détérioration de la situation socio-économique de la métropole, la Commission nationale recommande donc au gouvernement du Québec:
La capitale d'un État est également un centre administratif stratégique où se concentrent les emplois nécessaires au bon fonctionnement du gouvernement. Elle regroupe aussi différentes ressources spécialisées qui viennent appuyer cette fonction stratégique.
Québec, capitale successive de la Nouvelle-France, du Bas-Canada et du Québec actuel représente aussi le berceau de l'Amérique française. Elle possède donc tous les attributs requis pour jouer son rôle de véritable capitale nationale. Les fonctions gouvernementales qu'elle assume déjà, la beauté incomparable de son site classé par l'UNESCO, et la richesse de son patrimoine historique et culturel plaide également en sa faveur.
Le gouvernement du Québec s'est penché à plusieurs reprises sur l'état actuel et l'avenir de sa capitale. En 1963, les recommandations du rapport Fiset amenaient le gouvernement à regrouper les principales fonctions gouvernementales dans de nouveaux édifices désormais concentrés sur le site dit de <<la Colline parlementaire>>. La commission Lapointe, en 1986, recommandait au gouvernement de verser à la ville de Québec une aide financière annuelle à titre de dédommagement des coûts élevés consentis par la ville pour assumer pleinement son rôle de capitale du Québec.
Plus récemment, en 1994, la ville de Québec et divers intervenants régionaux, soucieux de sensibiliser à nouveau le gouvernement et la population aux exigences et aux enjeux liés à la vocation de capitale, ont suggéré la mise sur pied d'une véritable commission de la capitale. Ce projet devrait bientôt voir le jour.
Selon la Commission nationale, il est de l'intérêt d'un Québec souverain d'affirmer le rôle de leadership qu'il entend voir jouer à sa capitale et cette dernière devrait faire l'objet d'un plan global de développement. Il est également important de s'assurer que la Capitale sera le coeur des activités de l'État.
La société québécoise, comme bien d'autres d'ailleurs dans les pays industrialisés, produit des exclus, toujours plus nombreux et marginalisés dans leurs quartiers et leurs régions. De grands secteurs du territoire québécois ont cessé d'être les chantiers actifs qu'ils étaient autrefois, des collectivités locales entières se retrouvent en situation de déséquilibre et de paupérisation. Le progrès social, appelé de tous ses voeux par la population, passe d'abord par l'emploi, non seulement parce que l'emploi génère des revenus, mais parce que l'être humain éprouve un besoin fondamental de se réaliser par son travail.
Ce n'est pas sans raison que la question de la décentralisation a occupé une place si importante lors des audiences des commissions. Ce n'est pas tant des structures dont voulaient s'entretenir les citoyennes et les citoyens avec leurs commissaires, mais bien des outils supplémentaires que le redéploiement des pouvoirs pourrait leur fournir pour solutionner eux-mêmes des problèmes qui n'ont pas, jusqu'à présent, trouvé de solutions valables à l'échelle du Québec.
Si le peuple québécois doit reprendre en main la gestion de son territoire par la souveraineté, il doit le faire en tenant compte des composantes humaines et communautaires qu'un tel changement suppose. C'est là l'autre défi auquel font maintenant face tous les Québécois. Les objectifs de leur gouvernement doivent être très clairs à cet égard:
- sortir de l'exclusion et de la marginalisation toute cette partie de la population qui a perdu tout espoir de connaître un jour une vie meilleure;
- ouvrir aux jeunes de nouvelles perspectives d'avenir afin qu'ils puissent, eux aussi, participer pleinement au développement du Québec;
- rendre accessible à toutes et à tous, une éducation de qualité;
- arrêter le déclin socio-économique de certaines régions et municipalités régionales, jadis dynamiques et prometteuses en leur proposant de nouvelles tâches et de nouveaux défis à relever;
- adopter une nouvelle philosophie du développement qui ne s'appuie pas exclusivement sur la croissance économique, le rendement ou l'attente de macro-investissements industriels, mais avant tout sur la prise en charge des milieux par eux-mêmes;
- créer, comme le suggérait le rapport de la Commission des jeunes, de nouvelles solidarités afin que soit levée l'hypothèque qui grève l'héritage légué par les générations précédentes à la jeunesse.
Pour que le Québec puisse relever de tels défis, il faudra bien davantage qu'un programme ministériel concernant les jeunes et bien plus qu'une amélioration de la formation professionnelle de niveau secondaire! Une telle démarche requerra de toutes les Québécoises et de tous les Québécois des remises en question et une détermination qui, en termes d'espoirs, devra s'avérer tout aussi mobilisatrice que celle à laquelle ils devront consentir pour réaliser le projet de souveraineté.
Pour réussir, ce projet doit, lui aussi, se montrer «rassembleur». Il doit être porté, autant par l'État que par chacune des régions. Il doit miser sur l'enthousiasme et l'esprit de solidarité qui ont animé les commissions sur l'avenir du Québec en convoquant autour de ce projet commun tous les citoyens, chefs d'entreprises, travailleurs, représentants des municipalités, des commissions scolaires, etc. Cette stratégie comportera, entre autres:
- des mesures de relèvement de la capacité de production des entreprises par la stimulation de l'innovation et de la recherche et développement;
- un soutien accru à l'initiative et à l'accompagnement de l'entrepreneurship local, un soutien accru aux jeunes diplômés et aux travailleurs licenciés, une aide à la réalisation de projets communautaires qui misent sur la volonté et la capacité des milieux de se prendre en charge et de se responsabiliser;
- le développement de nouveaux créneaux d'emplois pour ceux et celles qui ont besoin de réintégrer le marché du travail, ayant été laissés pour compte par le système scolaire ou par le développement technologique;
- une concertation pour contrer la précarité de l'emploi et promouvoir l'équité salariale;
- la reconnaissance de l'action communautaire et des activités bénévoles comme apports essentiels à la valorisation des compétences personnelles et à la création de réseaux de solidarité;
- une réflexion nationale et régionale visant à introduire de nouvelles pratiques sociales basées sur la solidarité: partage de l'emploi, réduction du temps de travail et révision de la fiscalité pour favoriser ces mesures.
Dans cette optique, la Commission nationale, dans le but d'assurer la dignité et la pleine autonomie de toutes les citoyennes et de tous les citoyens du Québec, recommande au gouvernement du Québec de réunir les conditions nécessaires pour que soit définie et appliquée une stratégie nationale de l'emploi et de solidarité sociale.