Dans l'optique de la définition d'une association économique avec le Canada, la Commission nationale rappelle les quatre types d'entités économiques élargies distingués généralement par les économistes: la zone de libre-échange, l'union douanière, le marché commun et l'union économique. Une zone de libre-échange tend à diminuer le plus possible les obstacles artificiels au commerce entre ses membres, mais ceux-ci demeurent autonomes dans leurs relations commerciales avec d'autres pays. Une union douanière implique une intégration économique plus poussée en vertu de laquelle les pays membres imposent à d'autres pays un tarif douanier commun. Le marché commun va plus loin encore en ajoutant à ces ententes la libre circulation de la main-d'oeuvre et des capitaux. Enfin, l'union économique est une forme d'intégration plus complète qui comporte des politiques économiques communes aux pays qui en font partie.
La Commission considère qu'il est dans l'intérêt du Canada et du Québec de maintenir les liens économiques qui existent actuellement à l'intérieur du Canada. Elle croit que le Canada n'aura d'autre choix que de négocier, d'abord en raison du volume des échanges commerciaux qu'il a avec le Québec. D'autre part, il serait en effet contradictoire que le Canada veuille ériger des barrières commerciales autour du Québec alors que sa politique commerciale des dernières années s'est clairement engagée sur la voie du libre-échange, d'abord, avec les États-Unis avec la conclusion de l'Accord de libre-échange canado-américain. Cet accord s'est ensuite élargi au Mexique pour devenir l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), que le Canada a aussi ratifié et qu'il s'emploie à élargir encore pour y inclure le Chili et l'étendre progressivement à toute l'Amérique. Le Canada s'est de plus associé aux discussions visant à créer une zone de libre-échange qui associera progressivement entre eux les pays riverains de l'océan Pacifique.
Cette association est d'ailleurs souhaitée par une majorité de Canadiens anglais et une majorité de Québécois. Cependant, la Commission constate que les citoyens québécois ne peuvent ignorer le rapport de force que détient le Québec pour assurer le maintien de cette association. Elle suggère au gouvernement d'en informer la population.
La monnaie
Le projet gouvernemental prévoit aussi conserver le dollar canadien,
monnaie qui a présentement cours légal au Québec. Les
Québécois possèdent à l'heure actuelle près
du quart de la masse monétaire canadienne, ce qui représente plus
de 100 milliards de dollars. Ils en sont propriétaires et peuvent en
conséquence, continuer de s'en servir pour effectuer leurs transactions.
Dans le contexte d'une union économique, le volume des échanges
commerciaux et des transactions financières deviendra tel que l'adoption
d'une monnaie commune comportera des avantages non négligeables, tant
pour le Canada que pour le Québec. La monnaie commune peut aussi
contribuer à minimiser l'incertitude économique et, par
conséquent, à rassurer les milieux financiers. Elle peut
faciliter la continuité des échanges entre le Québec et le
Canada, de même que la négociation du partage de la dette.
La Commission recommande au gouvernement d'indiquer, dans le projet de loi, quelles institutions communes de gestion des divers aspects de l'association économique et monétaire il considère souhaitables. Parmi elles devrait figurer un tribunal commun de résolution des conflits.
Il apparaît évident que les ententes économiques et monétaires demanderont éventuellement un certain nombre d'institutions destinées à les gérer et à vérifier leur application. De là à reconnaître que certaines institutions plus politiques qu'économiques seraient souhaitables pour qu'un Québec souverain et le Canada gèrent mieux les liens qu'ils jugeront opportun d'établir entre eux, il n'y a qu'un pas. Ces institutions politiques pourraient prendre des formes bien diverses. Mais il est acquis qu'elles seraient toujours des organismes qui relient par traités des États souverains.
Ces décisions n'appartiendraient pas qu'au Québec mais aussi au Canada. Il faut se rappeler que le Québec est dans un rapport de un à trois quant à la population. Il appartient cependant au Québec, s'il le juge à propos, d'ouvrir la porte à une forme d'union politique comprenant un certain nombre d'institutions à établir par traité entre deux États souverains.
Une fois acquise, la souveraineté sera, pour le Québec, le signal d'un nouveau départ dans un partenariat avec le Canada qui n'exclurait pas éventuellement une forme d'union politique.La Commission recommande que le gouvernement du Québec et le projet de loi indiquent qu'un Québec souverain pourrait proposer et négocier des structures politiques communes et mutuellement avantageuses, lorsque les conditions le permettront.
En ce qui concerne le partage de la dette de l'État prédécesseur, le droit international indique que cette dette ne lie pas l'État successeur, ce dernier n'étant pas partie aux contrats d'emprunts. Le Québec ne serait donc pas obligé d'assumer la dette que le Canada a encourue et les créanciers du Canada ne pourraient réclamer au Québec un remboursement d'une partie de cette dette. Il est évident que l'application intégrale de cette règle risquerait de créer des injustices. C'est pourquoi la communauté internationale s'attend à ce que les nouveaux États négocient entre eux des ententes basées sur le principe du partage équitable. De nombreux précédents peuvent servir d'exemple. À partir des règles du droit international, il est possible d'évaluer la part des actifs qui reviendra au Québec et d'évaluer la proportion de la dette canadienne qui a été contractée au bénéfice des Québécoises et des Québécois. Différents facteurs peuvent être considérés dans le calcul du partage de la dette, telle la population, la capacité de payer, etc.
La Commission croit que le Québec dispose d'un important pouvoir de négociation sur la question de la dette. Elle recommande donc que le gouvernement énonce son intention de négocier sa juste part des biens et de la dette.La dette ayant jusqu'à présent constitué l'objet unique des débats, la Commission recommande au gouvernement de mettre en relief, dans le cadre d'une campagne d'information, la récupération des actifs afin de présenter la question du partage des biens et de la dette dans leur juste perspective.
La Commission recommande au gouvernement du Québec de prévoir, dans le cadre de ses négociations d'État à État avec le Canada, le partage des archives revenant de droit au Québec. Le même processus devra être établi pour tous les autres biens patrimoniaux situés à l'extérieur du Québec et sur lesquels le Québec souverain estime détenir des droits.