Nonobstant les options souverainiste ou fédéraliste de chacun, la décentralisation occupe une place importante dans les préoccupations des intervenants. Beaucoup jugent la souveraineté du Québec indispensable à toute véritable décentralisation. Cette prise de position reçoit ses principaux appuis de plusieurs organisations syndicales, de divers regroupements politiques et de nombreux citoyens. Sans la souveraineté, croit-on, une décentralisation majeure des pouvoirs aurait pour effet pervers d'affaiblir considérablement l'État du Québec tout en laissant intactes l'ensemble des compétences fédérales, lesquelles se retrouvent encore plus loin du citoyen ! Il apparaît donc illusoire et utopique de penser à un transfert massif de pouvoirs vers les régions dans le contexte politique actuel. Car, pour décentraliser, il faut d'abord avoir quelque chose à décentraliser... La souveraineté est donc perçue comme le préalable à toute politique véritable de décentralisation. Dans un Québec souverain qui aura récupéré tous ses pouvoirs, il sera alors possible d'élaborer un véritable projet de société basé sur la reconnaissance et le développement durable des régions1.
Par ailleurs, les porte-parole du monde municipal et des commissions scolaires n'ont pas voulu tenir compte des enjeux du contexte référendaire dans leurs recommandations. Quels que soient les résultats du référendum, croient-ils, la décentralisation constitue, pour eux, une véritable priorité.
D'autres groupes voient la décentralisation comme un enjeu et une nécessité, sans pour autant faire référence au contexte constitutionnel. La décentralisation, selon eux, constituerait le préalable et la pierre angulaire de tout nouveau projet de société et l'instauration d'un tout nouveau modèle d'autorité et de gestion.
Pourquoi donc la décentralisation ? D'abord pour permettre aux régions de se prendre en main, de se développer selon leurs priorités, de susciter chez elles un fort sentiment d'appartenance, de freiner l'exode des populations, de faciliter le règlement de la crise des finances publiques, de réduire le fardeau des contribuables, de favoriser la participation des citoyennes et des citoyens à la vie démocratique, d'améliorer l'efficacité des services publics et de réduire les inégalités entre les régions.
D'un intervenant à l'autre toutefois, la définition du terme << décentralisation >> varie considérablement. On confond souvent << décentralisation >> avec << déconcentration >> ou encore avec << régionalisation >>. Il en va de même pour le mot << région >> selon qu'il désigne les diverses instances régionales ou le découpage des régions administratives ou des MRC. Le mot << région >> réfère souvent à une multitude de découpages territoriaux distincts. L'observation suivante tirée du rapport d'une commission régionale illustre bien les conséquences de cette confusion sémantique: << ...le changement continuel des désignations ou des délimitations des instances régionales, la non-coïncidence des délimitations administratives et politiques, nuisaient à la cohésion des régions, à l'éclosion d'un sentiment d'appartenance ou à l'expression d'un authentique pouvoir régional >>.
Si la plupart se montrent généralement favorables au principe de la décentralisation, plusieurs éprouvent certaines appréhensions à l'idée de voir le Québec s'engager précipitamment dans un tel virage. Ces inquiétudes pourraient se résumer ainsi:
Les opinions sont toutefois nettement partagées sur la façon de l'inscrire dans la loi fondamentale du pays. Certains préconisent beaucoup de souplesse et croient que seuls les principes ou les grandes orientations de la décentralisation devraient être inscrits dans la constitution. Cependant, la majorité des intervenants semblent maintenir une position très ferme sur la question. Ils estiment nécessaire que la répartition des pouvoirs, la désignation des instances, le partage fiscal et celui des revenus de même que les modalités d'exercice de la décentralisation devraient être également enchâssés dans la constitution afin d'assurer leur inviolabilité et leur pérennité.
Ces divergences permettent de mieux saisir toute la complexité de la situation et le caractère déterminant de la question de la répartition des pouvoirs et des compétences entre le Canada et le Québec si la décentralisation devait survenir avant l'accession du Québec à la souveraineté. Le danger de créer un déséquilibre et une érosion des pouvoirs du Québec, s'il n'y a pas entière récupération des pouvoirs fédéraux, en a alarmé plusieurs au cours des audiences.
Les principes de base d'une vraie décentralisation
Considérés dans leur ensemble, certains principes devraient
être retenus afin de baliser soigneusement tout le processus de
décentralisation et de répondre aux craintes et aux
interrogations des intervenants. Il serait, en effet, inapproprié
d'entreprendre quelque démarche de décentralisation sans la
reconnaissance formelle de ces principes. Certains d'entre eux ont
été formulés par l'ensemble des intervenants, d'autres
sont davantage le fruit de réflexions et de préoccupations
particulières à certains groupes.
Ces principes pourraient être résumés de la manière suivante: