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Bon nombre de citoyennes et de citoyens et d'organismes ont témoigné de leurs préoccupations et ont fait valoir leurs opinions sur ces sujets et sur l'urgence de transformer le Québec en un vaste chantier culturel, social et économique. Une importante mobilisation de la population devrait, selon ces intervenants, accompagner la validation du projet de souveraineté et redonner aux Québécoises et aux Québécois foi et espoir en leur avenir.
L'éducation et l'histoire
Les audiences ont révélé le grand intérêt de
la population pour l'éducation. Les questions traitant des valeurs
véhiculées par l'école, du statut confessionnel des
écoles, de l'accessibilité, du décrochage scolaire, de
l'analphabétisme ont été soulevées à maintes
reprises. Les intervenants ont aussi dénoncé les chevauchements
et les dédoublements de responsabilités imputables aux deux
paliers de gouvernement. De plus, les structures et les pouvoirs des
réseaux scolaires de niveaux primaire et secondaire ont
été remis en question, appuyant par là la tenue
d'états généraux de l'éducation, dont les assises
sont ardemment souhaitées par la population. À cette occasion,
les participants signalent que le rôle de l'État devra faire
partie des discussions et des réévaluations nécessaires,
trente ans après la création du ministère de
l'Éducation.
Les valeurs à promouvoir font partie des éléments que l'on souhaite voir explicités. Ces valeurs sont souvent associées au statut confessionnel des écoles. Dans la société pluraliste qu'est devenu le Québec d'aujourd'hui, doit-on laïciser les écoles ou maintenir leur statut confessionnel ? Doit-on préférablement revoir les divisions du système scolaire sur une base linguistique ? Quelle place doit-on encore réserver aux écoles privées ? Les commissions scolaires ont-elles encore un avenir ? La discussion fondamentale touchant la vocation première de l'école et de l'éducation reste à faire et toutes ces questions subsidiaires y trouveront par la suite leur réponse.
Toutes les questions reliées à l'accessibilité à l'éducation et aux études ont été fréquemment soulevées. Le maintien des écoles de village constitue l'un des aspects de l'accessibilité qui incite des intervenants à demander au gouvernement de se doter d'une politique claire à cet égard. Au plan de la formation supérieure, la hausse des frais de scolarité de même que l'actuel régime des prêts et bourses préoccupent, non seulement les jeunes, mais aussi les parents d'étudiants. En région, l'accessibilité aux études supérieures passe obligatoirement par le maintien des institutions existantes, dont les constituantes de l'Université du Québec, les institutions spécialisées et les centres de recherche. Certaines commissions adressent au gouvernement des recommandations particulières dans le but d'assurer à toutes et à tous un meilleur accès à l'éducation.
Toujours dans le domaine de l'éducation, l'urgence de réintroduire des programmes d'enseignement de l'histoire à tous les niveaux ressort clairement. L'importance de l'histoire nationale a été évoquée par un très grand nombre d'intervenants et reprise dans les rapports des commissions sous forme de recommandations spécifiques afin que l'éducation puisse établir les ponts nécessaires entre notre passé et notre avenir. Il faut que les jeunes générations puissent connaître leurs origines et les réalisations des générations qui les ont précédées, comprendre les valeurs qui les ont animées dans la construction du Québec. Sans cette appropriation et cette compréhension de leur passé, les jeunes se trouveront démunis face aux défis de leur avenir. Il n'y a pas de développement durable qui ne plonge ses racines en terrain connu et maintes fois exploré.
Dans le cas de la formation professionnelle et de la main-d'oeuvre, enfin, le rapatriement de l'ensemble des pouvoirs et la création d'un guichet unique ont fait l'objet de recommandations jugées indispensables pour mettre fin aux chevauchements et aux dédoublements qui engendrent des coûts démesurés et de l'inefficacité chronique.
La culture
Le Québec doit se doter de moyens adéquats pour maintenir et
développer une culture vivante, créatrice et présente au
quotidien des citoyens de toutes ses régions. Trois grands thèmes
ressortent des audiences et permettent de regrouper les préoccupations
des intervenants à cet égard : le patrimoine, le
développement culturel et artistique et les communications.
La sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine historique, naturel et artistique sont fréquemment évoqués comme éléments fondamentaux de valorisation de la culture québécoise. Plusieurs mesures particulières sont privilégiées : l'élaboration d'une politique du patrimoine historique, la reconnaissance et la mise en valeur des sites historiques, l'élaboration d'un code national du patrimoine, l'encouragement à la conservation et au développement du patrimoine par les petites municipalités, la mobilisation des citoyennes et des citoyens par des campagnes de sensibilisation, le rapatriement des biens culturels détenus par les grandes institutions culturelles canadiennes, l'inventaire et la protection de << nos trésors culturels et de nos papiers de famille >>.
Le renforcement de l'identité culturelle du Québec passe également par la revalorisation et le soutien au développement culturel sur l'ensemble du territoire. Des mesures de soutien et de promotion de la création artistique en région et des moyens de diffusion des productions régionales devraient être mises en place à cette fin.
Lors des audiences de la Commission nationale, la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec a demandé << que dans l'éventualité d'un Québec souverain, une loi du droit d'auteur soit créée dans l'esprit du droit d'auteur européen >>. Il est à noter à ce sujet que le droit fédéral d'inspiration anglo-saxonne (le copyright) donne la priorité aux droits de l'usager.
L'engagement du Québec sur l'autoroute électronique constitue un défi incontournable. Il doit en assurer l'accessibilité sur tout son territoire. Ces perspectives suscitent
de l'inquiétude quant aux impacts de cette révolution technologique sur l'ensemble de la société québécoise. Faudra-t-il légiférer, comme dans le cas du cinéma, pour protéger la langue française ? Il y aura, à tout le moins lieu, pour le gouvernement du Québec, de créer un organisme de réglementation, sorte de CRTC québécois, pour assurer la protection du français. Une fois tous les pouvoirs récupérés dans le domaine des communications, il faudra légiférer en la matière et prévoir les mesures de soutien nécessaires à la langue française et à la culture québécoise.
Chacun de ces trois thèmes, patrimoine, développement culturel et communications, a fait l'objet de recommandations, notamment en ce qui a trait à la protection et à l'épanouissement du patrimoine culturel, au soutien aux arts et à la culture, à la reconnaissance de l'importance de la radio-télévision publique et de son rôle particulier en région.
Le progrès social
Tous les participants aux audiences sont d'accord : la définition d'un
nouveau projet de société passe obligatoirement par la
priorité accordée à la personne humaine. Si l'accession
à la souveraineté doit être l'occasion d'établir un
nouveau contrat social entre Québécois, ce projet doit
également s'exprimer par le respect de l'égalité entre
tous les groupes et tous les membres de la communauté. Comme
société, le Québec doit d'abord s'attaquer
résolument au problème crucial de la pauvreté et mettre en
oeuvre des solutions concrètes.
Plusieurs intervenants ont suggéré le remplacement de tous les programmes d'aide sociale par un régime universel de revenu minimum garanti qui permettrait à chaque personne de pouvoir satisfaire ses besoins essentiels. La solidarité apparaît, pour beaucoup, comme la valeur sur laquelle doivent s'appuyer les changements envisagés. Le message de la Commission des jeunes va en ce sens. Les autres groupes de la société, particulièrement les mieux nantis, doivent accepter de remettre en question leurs acquis et leurs privilèges, si l'on veut donner une chance à tous de participer au développement de la société. À la Commission des aînées et des aînés, où la situation sociale et économique a été maintes fois abordée, on est allé jusqu'à dire : << Pourquoi le Québec deviendrait-il souverain si ce n'est dans le but de renouveler son projet de société >>.
L'avenir du Québec, c'est aussi les jeunes. D'où l'urgence, pour la société, de leur faire une place. La Commission des jeunes n'a pas été la seule à faire état des difficultés qui accablent la jeunesse. Plusieurs autres commissions en ont aussi parlé : sous-scolarisation, précarité de l'emploi, pauvreté croissante, diminution dramatique du poids démographique, délinquance, taux de suicide record et, surtout, sentiment d'exclusion de la part de la génération précédente. Telles sont, parmi d'autres, certaines caractéristiques qui distinguent la génération actuelle de celle de leurs parents et qui font du Québec une société cassée en deux. Toutefois, un souffle d'espoir anime malgré tout la jeunesse, qui manifeste une volonté très nette de relever les défis de l'entrepreneurship et réclame les moyens propres à accroître son autonomie : éducation, formation, accès au travail et participation aux débats publics.
De nombreuses questions touchant à la condition féminine ont été débattues lors de la consultation. La majorité des commissions ont fait état de l'importance d'assurer les principes de l'équité salariale, de l'accessibilité égale des femmes et des hommes aux différents postes de direction de l'État en adoptant, par exemple, une loi qui favoriserait l'implication des femmes et assurerait leur représentation équitable dans les institutions politiques nationales, locales et régionales.
La famille est unanimement reconnue comme la cellule de base de notre société. Tous sont persuadés qu'il faut tout mettre en oeuvre pour lui permettre de s'épanouir et de jouer son rôle. Plusieurs commissions régionales ont réclamé l'élaboration d'une véritable politique globale de la famille qui comporterait, notamment, une révision de la fiscalité familiale, une politique des services à la petite enfance et l'implantation d'un réseau universel de services de garde. Un accent important a été mis sur le maintien et l'amélioration des services de santé et de services sociaux.
La majorité des commissions ont demandé que des garanties soient données quant aux principes d'accessibilité, de gratuité et d'universalité de ces services en période de problèmes budgétaires. Le gouvernement devrait se donner une vision globale et à long terme des problèmes et des besoins en ce domaine et la partager avec les contribuables et les bénéficiaires. Il devrait recentrer davantage ses interventions sur la prévention, avoir un souci particulier pour les personnes handicapées, les jeunes, les personnes âgées et les femmes.
Le nouveau projet de société doit apporter une attention toute particulière aux personnes âgées et aux jeunes, deux groupes fortement touchés par la pauvreté et l'exclusion. Dans le cas des aînés, les commissions se sont vu proposer l'adoption d'une politique intégrée sur le vieillissement. Dans le cas des jeunes dont l'accès au marché du travail se trouve trop souvent compromis, selon la Commission des jeunes, par le manque d'emploi, par une forme inadéquate de ce marché, et par les privilèges des monopoles corporatistes, des intervenants ont réclamé l'élaboration de nouvelles règles du jeu susceptibles de leur faire enfin une place dans le développement social et économique du Québec.
Des recommandations ont été faites par plusieurs commissions régionales préconisant une politique d'appui à l'action des groupes communautaires. Par ailleurs, on ne saurait passer sous silence une recommandation particulière à la Commission des jeunes, qui remet en cause le principe de l'universalité des services publics, notamment les régimes de pension de vieillesse et celui des allocations familiales dans le cas des personnes à revenu élevés.
L'économie et l'emploi
Les questions d'économie et d'emploi demeurent des priorités,
même dans le cadre politique actuel. Tous estiment que l'emploi constitue
le défi majeur du Québec de demain et insistent sur la
nécessité, voire l'urgence, de mettre en oeuvre dès
maintenant une stratégie globale, concrète et cohérente de
plein emploi.
Cette politique de plein emploi doit être élaborée en concertation avec les divers acteurs (employeurs, travailleurs et élus) dans le respect des ressources et des caractéristiques des individus, des institutions et des régions.
La compétitivité de l'économie du Québec dans un contexte de libre-échange et de mondialisation des marchés représente également une priorité et un défi. Pour faire face aux enjeux économiques d'aujourd'hui et de demain et pour s'assurer d'une certaine stabilité économique, le Québec doit, d'une part, favoriser la formation continue de sa main-d'oeuvre afin de la qualifier davantage et, d'autre part, développer l'esprit de compétitivité chez ses PME.
Que l'on adopte un point de vue économique ou social, tous s'entendent sur le principe que les ressources naturelles québécoises devraient être exploitées efficacement dans une perspective de développement durable, soit de souci des générations futures, de respect de l'environnement et d'harmonie avec la nature. L'adoption de nouvelles politiques en ce sens devrait favoriser la recherche et le développement, l'innovation, l'adaptation et le développement de nouvelles productions dans le secteur primaire de l'économie québécoise.
De l'avis de plusieurs intervenants, le Québec aura besoin de récupérer tous les pouvoirs, dans le domaine économique, s'il veut véritablement orienter son développement selon ses propres intérêts et gérer efficacement son économie. Toutefois, les commissions ont également fait état des inquiétudes de la population touchant la situation de l'économie québécoise au lendemain de la souveraineté. Peu présent aux audiences, le milieu des affaires manifeste beaucoup de réticences à l'égard de la souveraineté. Comme le mentionne la Commission de la Chaudière-Appalaches, la plus grande source d'inquiétudes à l'égard du projet souverainiste semble le niveau de vie quotidien des Québécoises et des Québécois (le << pain et le beurre >>) après un changement politique aussi important. Ces inquiétudes, par ailleurs, ont été beaucoup moins manifestes lors des audiences de la Commission nationale. À cet égard, les associations de gens d'affaires ont déclaré qu'elles respecteraient le choix démocratique des Québécoises et des Québécois.
Par ailleurs, les jeunes entrepreneurs qui ont participé aux audiences se sont montrés plus favorables à l'avant-projet de loi.
Les finances publiques
Les finances publiques, tant fédérales que
québécoises, et le contrôle des dépenses de
l'État préoccupent au plus haut point les
Québécoises et les Québécois. La quasi
totalité des intervenants ont rappelé l'urgence d'atteindre
l'équilibre budgétaire et de réduire le déficit.
Les contribuables se disent inquiets, et estiment que les élus et les
hauts fonctionnaires doivent être tenus responsables de leur
administration des deniers publics et qu'ils doivent en rendre ponctuellement
compte à la population.
Selon plusieurs participants, l'endettement constitue un frein à l'action gouvernementale. Il compromet sa possibilité de faire des choix. Il est illusoire, à leur avis, de prétendre construire une nouvelle société lorsque ceux qui la gouvernent ont les mains liées par la dette. Pour plusieurs, l'assainissement des finances publiques passe obligatoirement par l'élimination des chevauchements et des dédoublements de services, par la rationalisation des activités de l'État, par une harmonisation des programmes des ministères et des organismes gouvernementaux et par une révision en profondeur de la fiscalité.