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La souveraineté

Les choix politiques qui seront bientôt soumis aux Québécoises et aux Québécois ont occupé, comme il se doit, le coeur de cette consultation sur l'avenir du Québec. En effet, parmi les thèmes les plus fréquemment abordés, le statut constitutionnel du Québec s'est maintenu bon premier.

Le rejet quasi unanime du statu quo fédéral ainsi qu'un large appui exprimé en faveur de la souveraineté ont dominé les échanges entre intervenants et commissaires.

Le rejet du statu quo

Le rejet quasi unanime du statu quo demeure un fait marquant de la consultation populaire. Certains secteurs à forte concentration anglophone, particulièrement Montréal, l'Estrie ou la Basse-Côte-Nord ont toutefois défendu l'option fédéraliste par l'intermédiaire d'organismes, de groupes ou de présentations individuelles.

La grande majorité des intervenants rejetaient massivement le statu quo pour les motifs suivants :

  1. Aux yeux de la majorité des intervenants, l'imposition aux Québécoises et aux Québécois de la Loi constitutionnelle de 1982 constitue une rupture majeure dans l'histoire des relations du Québec avec le Canada.

    L'impasse constitutionnelle de 1982 excluant le Québec et l'incapacité maintenant évidente de renouveler le fédéralisme après les échecs successifs de Meech et de Charlottetown leur font reconnaître que le Québec se trouve confiné dans un véritable cul-de-sac et que des changements majeurs d'orientation s'imposent. De plus, le fédéralisme dit << évolutif >> ou << flexible >>, par le biais de prétendues ententes administratives, est considéré par plusieurs comme un leurre. Des organismes nationaux ont, en ce sens, précisé que de telles ententes pouvaient être révoquées en tout temps par le gouvernement central et qu'elles ne constituaient nullement une garantie d'avenir pour le Québec.

  2. La vision unitaire du Canada refusant de reconnaître une place particulière au Québec et le confinant au statut de province comme les autres, constitue un des motifs fréquemment évoqués de rejet du statu quo. Comment, en effet, demeurer au sein d'un pays qui refuse de reconnaître le caractère distinct de son peuple fondateur d'expression française ? À cela s'ajoute l'inquiétude de la diminution constante du poids démographique et politique des Québécois et des francophones au Canada.

  3. Le gaspillage inhérent aux chevauchements de compétences et à la double structure gouvernementale, les querelles sans fin entre paliers d'autorité et la perte de contrôle de la dette fédérale constituent autant d'arguments couramment exprimés à l'encontre de l'option fédéraliste et du statu quo.

L'appui à la souveraineté

L'article 1 de l'avant projet de loi édictant que << le Québec est un pays souverain >> a reçu la faveur d'une nette majorité des interventions faites par des individus. Plusieurs organismes ont toutefois axé leurs interventions sur d'autres aspects de l'avant-projet de loi ou réservé leurs commentaires à ceux qui touchaient davantage aux intérêts plus particuliers de leurs groupes.

D'une façon générale, les rapports des commissions régionales ont signifié leur appui à l'article 1 de l'avant-projet de loi. Certaines ont, de plus, suggéré de l'amender en le reformulant de façon plus précise : << Le Québec est un pays souverain de langue française >>.

Plusieurs organismes de niveau national ont également soulevé cette question de la souveraineté en disant notamment que la langue française << est au coeur de l'identité québécoise >> et que, sans elle, << le Québec ne serait qu'une province parmi d'autres >>, ou encore << c'est la langue française qui, depuis près de quatre siècles, a forgé l'ossature, la chair et l'âme de notre identité nationale >>.

Le projet de souveraineté est généralement considéré par les citoyennes et les citoyens comme indissociable d'un << projet de société >>. La souveraineté est alors perçue comme un point de départ et non comme un point d'arrivée.

L'accession à la souveraineté est donc vue comme un outil de réalisation collective dans le sens des espoirs et des attentes propres à la société québécoise. Quoi qu'on en dise, sa nécessité ne découle pas seulement d'impératifs économiques. C'est d'abord pour la sauvegarde de l'identité du peuple québécois, pour l'épanouissement de sa culture et pour la réalisation de son contrat social qu'elle s'impose avant tout. Le projet souverainiste est, pour beaucoup, une affaire d'honneur et de coeur. Selon la majorité des intervenants favorables à la souveraineté, le Québec aurait atteint la maturité nécessaire à la pleine réalisation de son destin de nation.

Pour s'épanouir véritablement comme peuple francophone d'Amérique, le Québec doit retrouver la pleine maîtrise de sa destinée culturelle, économique et sociale, longtemps entravée par un interminable débat où s'est épuisé, jusqu'ici en pure perte, le meilleur de ses forces vives. Il doit s'approprier, comme peuple, les pouvoirs politiques qui contrôlent et gèrent sa destinée. Il doit éliminer de sa démarche collective le recours à une instance décisionnelle, intermédiaire insensible et distant, en supprimant les chevauchements et les duplications administratives coûteuses et génératrices d'inefficacité gouvernementale.

Le résultat des négociations avec le reste du Canada, quant à l'association économique et au partage de la dette, suscite des questions nombreuses relatives aux coûts éventuels de la souveraineté en matière économique et sociale. Un grand nombre de craintes et d'appréhensions exprimées tiennent, pour une bonne part, au résultat imprévisible des négociations avec le reste du Canada quant à l'association économique et au partage de la dette. À cet égard, le niveau d'endettement anticipé d'un Québec souverain constitue une préoccupation importante pour plusieurs citoyennes et citoyens.

Une nouvelle union Québec-Canada

Certains intervenants se sont dit favorables ou sympathiques à l'option d'une nouvelle union Québec-Canada. Les principaux arguments invoqués en faveur de cette thèse reposent sur la possibilité pour le Québec d'accéder à sa pleine souveraineté tout en demeurant partenaire à part entière du reste du Canada. Le Québec affirmerait alors sa souveraineté tout en laissant au Canada l'odieux d'un refus éventuel.

D'autres intervenants font aussi ressortir les avantages d'un système fédéral plus décentralisé qui permettrait d'éviter les incertitudes et les risques inhérents au projet souverainiste. Ils sont, pour la plupart, d'avis que le fédéralisme est un système en constante évolution, que le statu quo n'existe pas et qu'un rapatriement d'importants pouvoirs du fédéral vers le Québec demeurerait toujours possible dans le cadre constitutionnel actuel.

Toutes ces interventions prennent en considération les inquiétudes des Québécoises et des Québécois et la nécessité, pour le gouvernement, d'apporter davantage d'information sur le projet de souveraineté d'ici le référendum. Les raisons de faire la souveraineté, le processus d'accession à la souveraineté, ses composantes (partage de la dette, alliances, traités internationaux), toutes ces questions préoccupent la population du Québec. Par le truchement des commissions, cette dernière demande qu'une plus abondante information soit rendue disponible et qu'un plus ample débat soit tenu sur tous ces sujets.

La démarche d'accession à la souveraineté

Les articles 16 et 17 de l'avant-projet de loi portent sur la démarche d'accession à la souveraineté. Selon l'article 16, la loi entrerait en vigueur un an après son approbation par référendum. Durant cet intervalle, des sessions intensives de discussions et de négociations seront vraisemblablement tenues entre le Québec et le Canada touchant la période de transition, le partage des actifs et de la dette, le maintien de l'union économique, etc. Vu le caractère assez technique de ces questions, peu de citoyennes et de citoyens ont choisi de présenter des commentaires précis et détaillés sur le sujet. Il s'agit toutefois d'un sujet dont l'importance est reconnue par tous. Au lendemain d'un vote référendaire positif, en effet, se trouveront enclenchées tout un ensemble de démarches politiques, légales et administratives qui auront d'énormes répercussions sur l'avenir du Québec. La principale question portée à l'attention des commissaires touchant ces répercussions concerne la légalité du projet de loi, une fois ce dernier adopté par l'Assemblée nationale.

L'article 17, qui prévoit que la loi sur la souveraineté sera soumise à une consultation populaire par voie de référendum, a été largement discuté. La question référendaire reste, de loin, le sujet le plus souvent abordé par les intervenants. Quelque mille personnes en ont traité et on en compte plus de 200, dans l'ensemble du Québec, qui ont suggéré des formulations précises quant à la question à poser lors du référendum. La très grande majorité des intervenants privilégient des questions uniques, sans volet, et portant spécifiquement sur la souveraineté. Les autres propositions ont surtout porté, à parts à peu près égales, sur l'indépendance, une véritable confédération ou nouvelle union Québec-Canada, la séparation, la souveraineté-association et << la dernière chance au fédéralisme >> (demandes traditionnelles du Québec et le rapatriement des pouvoirs).

Minoritaires, les propositions de questions à volets multiples mettent principalement en opposition la souveraineté et le fédéralisme actuel ou statu quo et, dans une proportion beaucoup moindre, la souveraineté, le statu quo et une nouvelle union confédérale d'États souverains de type européen. De part et d'autre, on a généralement souhaité une question courte, claire, simple et dont la réponse ne prête pas à confusion ou à interprétations.

Concernant la date du référendum, les propositions reçues ont été très variées et ne permettent pas de dégager de consensus ou de distinguer de tendances bien claires. Plusieurs estiment que les délais proposés actuellement pour la tenue du référendum sont trop courts et qu'il serait hasardeux d'agir précipitamment. D'autres estiment cependant l'horizon 1995 approprié et d'autres, enfin, souhaitent que le référendum soit tenu dans les plus brefs délais possibles.

Les règles de la consultation populaire ont également intéressé certains intervenants. La règle de la majorité simple a particulièrement retenu l'attention. Bien que certains aient remis en cause le bien-fondé de cette règle, la majorité simple est généralement perçue comme la seule valable et ayant cours internationalement pour la reconnaissance du verdict populaire dans ce type de consultation.

Les commissions, dans leurs rapports, se disent généralement à l'aise avec la question actuellement proposée. En cas de modification toutefois, cette dernière devrait porter sur la souveraineté, être courte, claire, commander une réponse sans équivoque et avoir un caractère rassembleur, pour permettre au Québec de sortir enfin du statu quo.

Concernant la date du référendum, les commissions ont unanimement choisi de laisser au gouvernement le soin d'en décider.

À propos de la déclaration de souveraineté

Le projet de préambule ou << Déclaration de souveraineté >> a suscité beaucoup d'intérêt chez les participants et a fait l'objet de nombreuses propositions de contenu et de libellés.

Les intervenants ont surtout traité des valeurs fondamentales d'un Québec souverain. Selon eux, cette déclaration devrait d'abord proclamer l'exercice légitime du droit du Québec à l'autodétermination, identifier les justifications de la souveraineté et explorer les fondements du projet de société indissociable, pour plusieurs, du projet souverainiste lui-même.

Les valeurs fondamentales les plus fréquemment évoquées dans le nouveau projet de société d'un Québec souverain sont : démocratie, liberté, justice, équité, égalité des femmes et des hommes, importance de la famille, pacifisme et solidarité.

Les principaux objectifs suggérés par les intervenants dans un projet de déclaration de souveraineté sont :

Enfin, plusieurs suggestions relatives aux droits individuels et collectifs ont été adressées aux commissaires. Plusieurs intervenants ont ainsi souhaité voir amendée l'actuelle Charte québécoise des droits et libertés de la personne afin d'y assurer un meilleur équilibre entre droits individuels et droits collectifs. D'autres ont, pour leur part, réclamé une charte des devoirs et des responsabilités des citoyennes et des citoyens. La charte des droits, et éventuellement des devoirs, deviendrait ainsi une composante importante de la future constitution québécoise.

Les commissaires, dans leurs conclusions et recommandations, épousent, pour l'essentiel, les grandes tendances d'opinions et réaffirment les consensus des intervenants concernant les valeurs et les affirmations qu'ils souhaitent, à leur tour, voir récapitulées dans la déclaration de souveraineté.

La constitution d'un Québec souverain

Les intervenants estiment que la nouvelle constitution devrait être l'affaire de tous les Québécois et qu'elle devrait être approuvée par l'ensemble de la population. Parmi les démarches suggérées, certaines proposent le recours aux états généraux ou à des commissions régionales pour réfléchir et décider du contenu et du libellé de la constitution.

L'option qui recueille les faveurs de la majorité privilégie la création d'une assemblée constituante composée d'un nombre égal de femmes et d'hommes représentatifs de la population. Une fois élaboré et rédigé, ce projet de constitution serait soumis à la population par voie de référendum. Les commissions, dans leurs rapports, se sont montrées favorables à cette proposition.

Les avis des intervenants se sont toutefois divisés quant au choix du moment requis pour l'adoption d'une nouvelle constitution. Un premier groupe estime que l'adoption de la constitution devrait précéder la tenue du référendum. Un second croit plutôt qu'elle devrait suivre la consultation populaire.

Le choix du régime politique d'un Québec souverain a également suscité des interrogations. Les intervenants étaient partagés entre le parlementarisme britannique avec lequel les Québécoises et les Québécois sont déjà familiers et un régime républicain de type présidentiel.

Plusieurs citoyennes et citoyens ont également souhaité l'enchâssement de nouvelles chartes dans la constitution afin d'assurer la protection de diverses valeurs de vie en société, telles que la santé, l'éducation, l'environnement, etc. Plusieurs ont, en effet, profité de l'occasion qui leur était offerte par les commissions pour faire état de leurs préoccupations concernant l'emploi, l'accessibilité et la gratuité des soins de santé. L'ensemble des préoccupations et des voeux émis par la population au cours des audiences convergeaient fortement autour de l'idée d'un << projet de société >> capable de mobiliser une grande partie de la population autour d'un ensemble de valeurs et d'espoirs communs concernant la manière dont on souhaite voir aménagé l'avenir du Québec.

Les valeurs de ce nouveau << projet de société >> devraient se refléter à travers divers secteurs d'activité : administration, affaires sociales, éducation, économie, emploi, développement régional, institutions politiques et judiciaires, relations internationales, culture, patrimoine, communications, etc.

Une charte des droits, des libertés et des responsabilités

Signe des temps ? Dans toutes les régions, on a insisté sur la nécessité d'élargir la charte à la dimension des devoirs, des responsabilités et des obligations des citoyennes et des citoyens. Cette nouvelle orientation a été reçue avec intérêt par l'ensemble des participants et les commissions en ont fait état dans leurs rapports. Les interventions ont également porté sur la recherche d'un meilleur équilibre entre droits collectifs et droits individuels en faveur des premiers jugés jusqu'à présent mal défendus. Nonobstant l'insistance des intervenants en faveur de droits égaux pour tous et de leur désaccord à l'égard des privilèges accordés à certains, plusieurs ont tout de même évoqué l'idée de créer de nouvelles chartes pour assurer la protection de certaines catégories de citoyens, telles que les femmes, les enfants, les handicapés et les minorités ethniques. La protection de l'environnement et le développement durable sont également des valeurs auxquelles les Québécoises et les Québécois se disent fortement attachés.


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