NOTES POUR L'ALLOCUTION DE M. JACQUES PARIZEAU
MINISTRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS

4. Défis et priorités en 1995

Des créateurs exceptionnels, des institutions, des équipements et des événements culturels qui ont essaimé sur le territoire, une population plus sensibilisée qu'autrefois à la richesse de la culture... ces forces, nous devons maintenant les mettre à profit. C'est ici que l'État a un rôle important à jouer.

Les défis que j'ai évoqués précédemment se traduisent nécessairement en priorités d'action pour le ministère de la Culture et des Communications. Ces priorités, à leur tour, détermineront les choix, les décisions, les gestes du Ministère.

Permettez-moi donc, Monsieur le président, de circonscrire davantage ces grandes priorités et, à l'occasion, d'illustrer par des cas concrets notre volonté d'atteindre les résultats visés.

4.1. Vitalité de la création artistique et maintien de la qualité de la
production culturelle

4.1.1. Production culturelle et identité

La vitalité de la création artistique ainsi que la qualité et la diversité de la production culturelle constituent un enjeu majeur auquel nous nous consacrons résolument. Cette vitalité est pour nous une donnée fondamentale.

Le débat actuel sur la place du Québec en terre d'Amérique est fortement lié au débat culturel. Au coeur de nos préoccupations, il y a celle de notre identité comme peuple et comme nation. Sans nier l'importance des enjeux économiques, la question de notre identité ne saurait être réduite à des colonnes de chiffres.

En effet, l'identité culturelle dans un univers littéralement en interaction, se construit aujourd'hui par les médias, par le dynamisme linguistique, par le dialogue des différentes cultures en un même lieu, par des institutions culturelles actives et par des repères symboliques présents dans notre paysage quotidien.

L'activité culturelle participe de la qualité de vie, de l'intelligence et de la sensibilité de chaque Québécois et Québécoise, et de l'ensemble de la collectivité. C'est pourquoi la culture et l'expression artistique doivent non seulement avoir droit de cité mais être encouragées. Plus encore, elles doivent être considérées comme faisant partie intégrante de ce qui a contribué et contribue à forger notre identité nationale à travers l'héritage de nos créateurs et créatrices.

Cet héritage, le Québec ne l'a pas seulement conservé comme objet de patrimoine, mais il a su s'en servir pour avancer sur le chemin de son épanouissement en produisant, de décennie en décennie, une culture vivante, résolument contemporaine et ouverte sur l'ailleurs. Notre paysage culturel s'est élargi. Nous sommes passés à une culture de convergence, grâce notamment à la vitalité et à la persévérance de ceux et de celles qui se sont faits les chantres de cette culture à travers, entre autres moyens d'expression, une littérature fidèle à nous-mêmes, un théâtre et une chanson célébrés à l'échelle internationale et une production télévisuelle témoignant de nos manières de vivre.

De même qu'est essentiel à l'essor du Québec l'apport des Québécois et des Québécoises qui oeuvrent, par exemple, dans les domaines de la science et de l'éducation, la participation de nos créateurs, de nos créatrices et de nos artistes au développement de notre société est l'une des pierres d'assise sur lesquelles se fonde toute collectivité tournée vers l'avenir. Cette contribution des artisans de la culture à la richesse de notre vie en commun, l'image de l'excellence et de l'imagination qu'ils projettent au monde, l'activité économique considérable qu'ils génèrent sur tout le territoire québécois s'inscrivent à même le développement de notre identité culturelle. Un tel développement, je me permets de le rappeler, a d'ailleurs été reconnu par l'UNESCO qui, dès sa création, y voyait le moyen pour une société de conserver ses traits distinctifs et de prévenir l'érosion de ses valeurs.

4.1.2. Le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ)

C'est parce que nous avons foi dans le rôle capital joué par nos créateurs, nos créatrices et nos artistes et que nous croyons à leur nécessaire autonomie, que nous avons appuyé la mise en place du Conseil des arts et des lettres. Pour le Parti québécois, il ne faisait aucun doute que, de même que les Québécois et les Québécoises aspirent à prendre leur destin en main, les artisans de notre culture devaient être désormais associés à la gestion des sommes qui leur sont consenties par l'État.

Le Conseil des arts et des lettres est appelé à jouer un rôle déterminant pour le développement des arts et des lettres, secteurs-clefs du vaste domaine de la culture.

Comme dans toute société consciente de l'apport de la création à l'évolution et à l'affirmation de son identité, à son devenir et à sa prise de possession du monde, il importe de protéger, chez nous, cette création en lui assurant les moyens de sa survie, de son renouvellement et de son rayonnement.

C'est pourquoi, en dépit d'un contexte difficile, nous avons augmenté d'environ 2 000 000 $ l'enveloppe budgétaire du Conseil, portant ainsi son budget total à 43 500 000 $ pour renforcer le soutien à la création et lui permettre de mieux répondre aux attentes des milieux culturels.

Par ailleurs, au terme de cette première année d'activités du Conseil, il convient de faire le point. Je tiens d'abord à féliciter le conseil d'administration et le personnel du Conseil des arts et des lettres qui ont permis au nouvel organisme de prendre son envol. Le travail accompli en quelques mois est impressionnant.

J'ai fait parvenir au Conseil, conformément à ce qui est prévu dans sa loi constitutive, des priorités pour 1995-1996. Vous ne serez pas étonné si je demande au Conseil comme toute première priorité de servir équitablement tout le Québec. Il s'agit pour lui de garantir un équilibre dans ses actions à l'endroit des régions et des grands centres. La concentration de la production artistique à Montréal, et à un degré moindre à Québec, et surtout sa faible circulation sur le territoire Québécois sont présentement un frein majeur au développement culturel. L'accès aux arts et aux lettres pour tous les Québécois ne saurait se limiter à n'être qu'une orientation gouvernementale qui ne trouverait pas sa contrepartie dans l'action de nos grandes institutions, de nos sociétés d'État et, de façon très visible, dans les priorités d'action du Conseil des arts et des lettres.

Je sais fort bien que l'intervention de tout Conseil des arts repose sur son sens de l'équité et sur la place prépondérante qu'il fait à la reconnaissance des plus hauts standards professionnels. Je suis le premier à reconnaître l'importance de ne pas déroger à ces critères qui fondent la crédibilité de notre Conseil. Je suis bien forcé cependant de reconnaître que de tels critères doivent faire l'objet d'une application qui tienne compte de notre réalité géoculturelle. Les régions éloignées ne sauraient être considérées comme de simples viviers de créateurs et d'artistes dans lesquels on puise lorsque vient le temps de la maturité et du succès; l'aide financière, toujours rare, souvent insuffisante, qui permet l'éclosion des talents, doit être répartie équitablement; les lieux de création et de spectacle, toute proportion gardée, ne sauraient être plus chichement consentis aux régions qu'aux grandes villes.

Tout cela est bien beau, direz-vous, et tout cela a été dit mille fois mais les milieux culturels régionaux continuent à dénoncer les normes de partage des fonds disponibles, et les critères d'évaluation qui sont appliqués par les <<organismes subventionneurs>>. Il faut lever cette hypothèque et établir un lien de confiance entre le Conseil des arts et des lettres et l'ensemble du Québec. Il faut moduler les notions d'excellence et de professionnalisme en conséquence. J'ai déjà mis de l'avant, dans mes échanges avec le Président-directeur général du Conseil, l'intérêt qu'il y aurait à développer l'idée de critères d'émergence à l'endroit des régions.

J'ai aussi mis de l'avant l'idée de mécanismes de sélection qui établirait des critères de comparaison interrégionaux. J'ai enfin fait état de l'intérêt qu'il y aurait à prévoir un budget réservé qui garantirait un quantum d'aide aux régions. Il ne m'appartient pas de définir les détails d'application d'une telle démarche. Il m'appartient cependant de faire appel à <<l'imagination administrative>> du Conseil et à sa connaissance des moyens propres à développer les arts et les lettres au Québec. J'ai donc invité le Conseil à exercer ses responsabilités en tenant compte de nos particularités régionales. Je veux qu'on ouvre des avenues nouvelles qui feront à coup sûr du Conseil des arts et des lettres du Québec, le Conseil des arts et des lettres de tous les Québécois. J'ai voulu insister sur cette première priorité du Conseil. J'évoquerai rapidement les autres priorités que je lui ai transmises.

En effet, le développement des équipements culturels confiés à des organismes artistiques crée une pression sur leurs budgets de fonctionnement. Il importe donc que le Conseil tienne compte de cette réalité et dégage, pour cette année, une marge de manoeuvre budgétaire pour répondre à de nouvelles obligations.

La recherche de sources complémentaires de financement des arts et des lettres constitue une troisième priorité. En effet, le dynamisme des milieux artistiques fait en sorte que leurs besoins ne cessent d'augmenter.
Or, on constate, depuis quelques années, que les subventions fédérales diminuent constamment. Il est donc urgent d'élargir le financement des arts et des lettres grâce à de nouveaux types de contributions privées. Je demande au Conseil d'explorer des voies nouvelles.

J'invite également le Conseil des arts et des lettres à être attentif aux applications de la technologie dans le domaine des arts. C'est une voie que plusieurs de nos créateurs ont empruntée avec succès et il m'apparaît important que le Conseil se penche sur ces perspectives.

Enfin, j'ai demandé au Conseil de mettre au point un programme d'évaluation des organismes qui s'adressent à lui et qui profitent de son aide. L'évaluation systématique me paraît une voie nécessaire pour pratiquer l'équité et favoriser le renouvellement.

4.1.3. Mise en oeuvre de la Société de développement des entreprises
culturelles (SODEC)

Un événement marquant au cours des derniers mois a été la mise en oeuvre de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC). En effet, dans cette même perspective, qui consiste à appuyer la créativité du milieu culturel, j'ai fait adopter, en février dernier, le décret prévoyant la mise en place de la Société de développement des entreprises culturelles. Il y a quelques jours, j'ai eu le plaisir de rencontrer le président et le conseil d'administration de la Société de développement des entreprises culturelles pour leur dire à quel point je compte sur eux pour contribuer au dynamisme de nos industries culturelles.

Que ce soit dans le domaine de la musique ou des arts de la scène, dans celui des métiers d'art, de l'édition ou de l'audiovisuel, nos industries culturelles ont grandement contribué à la promotion de nos artistes et de nos créateurs et, par leur intermédiaire, à la renommée du Québec dans le monde.

À l'aube des années deux mille, il n'est donc plus possible de dissocier les industries culturelles du secteur traditionnellement identifié aux arts et aux lettres. Le développement des unes passe aujourd'hui inévitablement par celui des autres. Sans écrivains, pas d'édition littéraire; sans auteurs ni comédiens, pas de cinéma ni de télévision. À l'inverse, l'industrialisation de la culture fait appel aux techniques et aux technologies qui permettent aux écrivains, aux musiciens, aux comédiens d'avoir accès à un bassin élargi de lecteurs, d'auditeurs et de spectateurs.

On ne peut donc pas dissocier la démarche d'un gouvernement dans le secteur des industries culturelles de sa démarche globale dans tout le champ de la culture. Si cette action gouvernementale doit être concertée et intégrée, elle doit aussi être simple pour ses interlocuteurs. Ainsi, la mise en oeuvre de la Société de développement des entreprises culturelles permettra d'intégrer les interventions gouvernementales auprès des entreprises culturelles au sein d'une même société d'État.

Dirigée par un conseil d'administration et un président qui ont été nommés après une large consultation du milieu, la nouvelle société est prête à servir efficacement sa clientèle des industries culturelles. La formule du guichet unique, assortie d'une gestion souple et d'un processus de décision rapide, contribuera au bon fonctionnement de ce secteur essentiel à la vitalité de notre culture et à l'élargissement de la visibilité internationale du Québec dans le domaine.

4.1.4. Remboursement de taxes aux artistes professionnels en arts visuels

L'importance que nous accordons au statut et à la qualité de vie de nos artistes se traduit également par la mesure de taille que nous avons adoptée, en décembre dernier, en mettant sur pied un programme de remboursement de taxes destiné aux artistes professionnels en arts visuels.

Ce programme vise à corriger la situation des artistes de cette discipline qui se sont vus contraints d'assumer la surtaxe imposée par la fiscalité municipale sur les immeubles non-résidentiels. La cour supérieure ayant invalidé cette surtaxe, je m'étais engagé, en campagne électorale, à corriger la situation. Promesse tenue, qui s'inspire du même principe de gestion efficace et modulée que j'ai toujours préconisée lorsque je proclamais, haut et fort, notre volonté d'appliquer des lois qui tiennent compte de la réalité propre des municipalités, des groupes sociaux et des créateurs et des créatrices.

4.1.5. Formation professionnelle

La formation professionnelle constitue une autre de nos préoccupations majeures. Par son action dans ce domaine, le gouvernement du Québec veut aider les intervenants des milieux culturels à se doter de lieux d'excellence en formation, capables de s'adapter à un environnement changeant et toujours plus concurrentiel.

C'est dans cette perspective que le gouvernement a déjà annoncé sa collaboration financière à la mise sur pied de l'Institut national de l'image et du son. Il s'avère essentiel que le Québec dispose d'une institution de formation supérieure en cinéma et en audiovisuel, capable d'assurer la formation d'une relève. Ce projet, attendu depuis plusieurs années et fortement appuyé par le milieu, créera une véritable synergie au sein des milieux cinématographiques et télévisuels, qui permettra de pallier les lacunes déjà largement identifiées au chapitre de la formation de scénaristes, de réalisateurs et de producteurs.

La question de la formation m'amène à faire le point sur nos intentions à l'égard de la réforme du Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec.

C'est avec un a priori favorable que j'ai abordé le projet de loi qui vise à actualiser la mission d'une institution cinquantenaire. Cependant, il m'apparaissait légitime de poser certaines questions. Et c'est ce que j'ai fait.

En ouvrant ce dossier complexe pour trouver des réponses, j'ai trouvé d'autres questions. L'actuel projet crée de profonds désaccords entre les partenaires et les milieux associés au Conservatoire.

Il m'est donc apparu évident qu'il fallait reporter l'application de la loi sur la réforme du Conservatoire tant qu'on aurait pas clarifié certaines choses. À l'heure actuelle, j'en suis donc davantage à une étape de questions que de réponses quant à la formule à trouver.

Si la pertinence d'une réforme n'est pas en cause, il y a lieu cependant de revoir le projet pour assurer aux élèves les meilleures garanties d'un enseignement de qualité. Je compte procéder avec diligence pour régler cette question importante.

Par ailleurs, dans le domaine des métiers d'art, on sait qu'il y a déjà plus de dix ans, le gouvernement a mis en place un Plan national de formation adapté à ce secteur. Plusieurs changements importants qui ont eu lieu depuis l'adoption du Plan en 1984 amènent aujourd'hui les différents ministères concernés à le revoir en vue de mettre à jour leurs interventions : qu'il s'agisse du développement rapide des modes de production, de commercialisation et de mise en marché des produits des métiers d'art au Québec et à l'étranger, de l'instauration du diplôme d'études collégiales en métiers d'art ou de la création de nouvelles écoles-ateliers. Cette révision se fera sous le signe de la concertation, avec l'ensemble des partenaires du milieu des métiers d'art.

4.2. L'émergence d'une vie culturelle forte dans toutes les régions

4.2.1. Formules appropriées aux spécificités régionales

Le dynamisme de la vie culturelle des régions constitue pour nous une priorité. À cette fin, nous allons mettre au point des formules originales qui tiennent compte du caractère spécifique des régions et des besoins respectifs de leurs créateurs et créatrices et de leurs artistes. Du <<mur à mur>>, nous passons au <<sur mesure>>.

Le rôle d'une bibliothèque dans une petite ville d'Abitibi, par exemple, dépasse largement la fonction traditionnelle d'une bibliothèque sise dans un grand centre urbain. En région, la bibliothèque est une plaque tournante où se déploient une foule d'événements à teneur culturelle qui lui donnent le visage d'une véritable maison de la culture. Et il en est ainsi pour bon nombre d'activités régionales liées au secteur de la culture et des arts, et des industries culturelles. C'est pourquoi, sans trahir les critères fondamentaux qui guident les organismes gouvernementaux chargés de gérer les programmes d'aide en matière culturelle, nous allons travailler, ainsi que je l'ai dit précédemment, à réajuster l'application pratique de tels critères à la réalité géoculturelle du Québec.

4.2.2. Dynamisme des régions

Que l'on pense au Saguenay-Lac-Saint-Jean qui est une pépinière de comédiens et de comédiennes et où on a l'audace de la Fabuleuse histoire d'un royaume, véritable moteur touristique pour la région... au Bas-Saint-Laurent avec son festival de cinéma jeune public qu'on reconnaît pour sa qualité et son originalité... à Charlevoix où le symposium de peinture de Baie-Saint-Paul et les activités musicales du Domaine Forget séduisent artistes et visiteurs du monde entier... aux Bois-Francs, dont le petit village d'Inverness est devenu le haut-lieu du bronze au Québec grâce à la fonderie d'art et à l'atelier du bronze... à Lanaudière et son festival de musique classique en voie de s'imposer comme le plus important festival dans le domaine au Canada... à Orford et son camp musical... à Trois-Rivières, capitale de la poésie... à Victoriaville, à Drummondville et à Rouyn-Noranda pour leurs festivals internationaux de musique actuelle, de folklore et de cinéma... et que l'on pense enfin au succès des nombreux salons du livre qui foisonnent sur l'ensemble du territoire, force est de constater que les régions du Québec contribuent à l'émergence d'une culture originale et forte qui témoigne de la richesse de l'imaginaire du peuple québécois et ne craint pas de se nourrir des cultures venues d'ailleurs.

Le domaine des communications aussi a de solides ancrages dans les régions.
Et, là encore, s'illustrent la créativité, le sens de l'innovation et l'entrepreneurship qui font la force du Québec en la matière. Qu'on pense encore au Saguenay qui accueillera, dès l'automne 1995, une expérience originale fondée sur la technologie du câble et de la télévision interactive... au Bas-Saint-Laurent, à la Gaspésie et à la Côte-Nord dont les populations sont souvent très dispersées mais qui sont à la fine pointe des technologies nord-américaines grâce à l'équipement d'avant-garde - fibres optiques, commutateurs numériques - mis en place par Québec-Téléphone de Rimouski... que l'on pense enfin à toutes ces communautés régionales telles que celles de la Gaspésie, de la Baie-des-Chaleurs et des Îles-de-la-Madeleine pour n'en nommer que quelques-unes, qui se sont dotées de radios communautaires d'envergure, parmi les plus performantes du réseau québécois en termes de programmation locale et de revenus. Ces médias communautaires, qui sont un véritable phénomène au Québec et qui sont dans plusieurs régions au premier plan du service radiophonique, font d'ailleurs l'objet d'une attention particulière de la part du gouvernement et j'aurai l'occasion d'y revenir dans quelques instants.

4.2.3. L'entente de développement avec les municipalités

Je l'ai dit et le redis encore aujourd'hui avec toujours la même conviction: les régions ont un rôle déterminant à jouer en ce qui concerne l'avenir du Québec. En leur reconnaissant des mécanismes de participation dans le processus de prise de décision en matière culturelle, comme en d'autres domaines, nous nous inscrivons de plain-pied dans une démarche qui prévaut actuellement un peu partout dans le village global: celle de répondre aux attentes des citoyens et citoyennes plongés dans une société mondialisée et qui ont besoin d'un cadre de référence immédiat auquel ils peuvent s'identifier.

Si les régions ont un rôle important à jouer, on ne saurait passer sous silence la place et le dynamisme de Montréal et de la Capitale dans notre vie culturelle. À cet égard, il importe de tenir compte de la réalité de ces deux pôles, de miser sur leurs forces respectives et sur leur capacité de rayonnement tant au Québec qu'à l'étranger.

La collaboration avec Montréal et Québec a pris appui sur des ententes de développement culturel. Dans une perspective de partenariat renouvelé, nous avons élargi cette approche pour moduler davantage nos actions et tenir davantage compte des besoins particuliers de chaque municipalité.

Dans cette optique, un nouveau cadre d'entente de développement culturel entre les municipalités et le ministère de la Culture et des Communications a vu le jour. Cette entente globale est une entente élargie par rapport aux autres ententes qui ne portaient que sur des dimensions spécifiques comme les équipements ou le patrimoine.

L'entente de développement culturel est d'abord un outil de concertation entre deux partenaires que l'histoire et les volontés politiques réciproques ont considérablement rapprochés au cours des deux dernières décennies. Concertation dans la planification des besoins, des activités, des infrastructures et des moyens financiers. Concertation également dans la gestion que nous voulons simplifiée et plus proche des gens en la partageant avec des gouvernements qui leur sont davantage familiers.

L'entente de développement culturel rejoint la volonté fortement exprimée par le gouvernement de rapprocher des milieux de vie les décisions liées au mieux-être des communautés. Ce nouveau style de collaboration contient des promesses d'effet d'entraînement dans d'autres secteurs socio-économiques, tels le scolaire et le municipal.

4.2.4. Renforcement du rôle des médias communautaires

Dans le but de préserver les acquis des régions en matière de culture et de communications, nous avons réalisé les engagements que nous avions pris, lors de la campagne électorale, envers les médias communautaires et autochtones qui, notamment, ont toujours fait largement la promotion des différentes manifestations culturelles.

En augmentant les crédits de l'aide aux médias communautaires et autochtones de 1 300 000 $ nous avons voulu corriger l'attitude du précédent gouvernement qui a systématiquement diminué son appui aux médias communautaires et même éliminé totalement l'aide à la télévision et aux journaux communautaires.

En plus de disposer dorénavant d'un budget annuel de 2 415 000 $, les médias communautaires profiteront également d'une partie de l'achat de publicité par les ministères qui investiront 4 % de leur budget publicitaire dans les médias communautaires. Cet ajout correspond à une somme de l'ordre de 1 400 000 $.

Au moment où l'on déplore le retrait de grands diffuseurs de l'information en région, le mandat local et régional des médias communautaires prend toute son ampleur. Ces véhicules privilégiés d'information constituent un levier important de développement régional tout en permettant l'expression d'une variété de points de vue.

4.3. Qualité et accessibilité des services culturels et de communication

4.3.1. Démocratisation et fréquentation de la culture

Le Québec, comme la majorité des pays occidentaux, est intervenu depuis plus de trente ans pour soutenir la culture et ce, avec comme principal objectif de démocratiser la culture et d'en augmenter l'accès. Des progrès importants ont été accomplis. Un sondage effectué en 1964 indique qu'à cette époque, 5 % des familles québécoises déclarent avoir fréquenté un musée et 26 % être allées à un spectacle des arts d'interprétation. Trente ans plus tard, ce sont près de 40 % des Québécois qui disent être allés au moins une fois durant l'année dans un musée et 65 % à un spectacle. Mieux encore, 80 % des Québécois participent à des activités culturelles se déroulant dans des lieux tels que les bibliothèques, musées, salles de spectacles et sites historiques.

Les développements technologiques joueront un rôle important dans l'évolution culturelle québécoise. Il deviendra important que les nouveaux véhicules de la culture soient accessibles au plus grand nombre. À cet égard, les équipements culturels, dont les bibliothèques, sont appelés à jouer un rôle important. Celles-ci doivent devenir de véritables maisons de transmission de la culture, mais aussi de transmission de savoirs et d'informations.

L'accès à la culture d'ici et d'ailleurs passe donc largement par les médias, mais aussi par la présence d'équipements culturels bien répartis sur le territoire et présentant une diversité d'activités et d'oeuvres culturelles.

Pour stimuler la participation culturelle la plus large possible, le ministère de la Culture et des Communications devra travailler davantage en partenariat avec les municipalités qui ont notamment à offrir des services de loisirs correspondant aux besoins de leurs citoyens. Des efforts devront être faits pour que les citoyens aient accès dans leur région à des lieux culturels, à des médias et à de nouvelles technologies qui reflètent leur dynamisme et leurs choix.

Par ailleurs, cette multiplication des voies d'accès à la culture générera une pression additionnelle pour la création de nouveaux contenus et la présence sur le territoire d'activités culturelles.

Les acteurs de la mission culturelle que sont les sociétés d'État et nos grandes institutions culturelles devront assumer à cet égard une responsabilité majeure.

4.3.2. La sensibilisation aux arts et à la culture

Encore aujourd'hui, la scolarité est le premier facteur expliquant la fréquentation et la pratique culturelle. L'accès à la culture passe ainsi obligatoirement par la mise en contact, dès le jeune âge, avec des oeuvres artistiques et des valeurs culturelles.

Les États généraux sur l'éducation que j'ai lancés en fin de semaine dernière permettront de réfléchir sur l'ensemble des aspects à prendre en considération dans le cadre du projet éducatif que nous souhaitons entreprendre. Aussi ai-je demandé au ministre de l'Éducation, M. Jean Garon, de faire une place privilégiée à cet enjeu qu'est la place des arts et de la culture à l'école et au rôle majeur que l'école doit jouer au regard de la sensibilisation aux arts et à la culture.

4.3.3. Les équipements culturels

S'il est indispensable que le gouvernement adapte son action à la nouvelle réalité des pratiques culturelles, il doit quand même miser sur le développement et le soutien de cadres de diffusion que sont les institutions et tous les lieux qui favorisent la pratique culturelle.

Je voudrais dire l'importance que j'attache aux grandes institutions culturelles et éducatives. Les bibliothèques, les archives, les salles de spectacle, les musées nationaux, les universités, les centres de recherche, les cégeps, et j'en passe, sont de précieux outils de développement intellectuel et culturel dont nous nous sommes dotés au cours de nos années de croissance. Peut-on imaginer un pays riche, prospère, capable de faire ses choix économiques, politiques, éducatifs, qui ne dispose pas de grandes institutions? La France, l'Allemagne, l'Angleterre, l'Autriche, l'Italie, la Grèce, sans leurs monuments et leurs sites historiques, leurs jardins centenaires, leurs cathédrales, leurs universités réputées, leurs théâtres, leurs orchestres, qui sont comme autant de reliquaires qui conservent et perpétuent l'histoire des civilisations et des cultures, ne seraient plus des points de repère universels de l'intelligence et de l'âme. Un pays sans grandes institutions éducatives et culturelles, cela est impensable.

On ne peut, par ailleurs, demeurer insensible au coût des institutions culturelles. Cela impose notamment à nos services publics, tous nos services publics, ceux des réseaux de la culture, de l'éducation, de la santé, d'assumer une obligation de résultat. Plus que jamais les élus et les gouvernements, qui gèrent des fonds dont ils ne sont que les fiduciaires et non les propriétaires, doivent s'assurer de la pertinence des choix, de la qualité de la gestion et de l'effet de retour dont doivent bénéficier tous les citoyens.

C'est parce que je reconnais l'importance des lieux de diffusion et des institutions que nous augmentons, cette année, le budget alloué aux équipements culturels afin d'accélérer l'implantation de ces lieux sur l'ensemble du territoire. Au total, 57 000 000 $ seront alloués à ce secteur comparativement à 30 000 000 $ en 1994-1995.

C'est aussi dans la perspective d'accélérer cette implantation que nous avons débloqué, dernièrement, des décisions qui traînaient depuis trop longtemps. En février dernier, un budget de 2 380 000 $ a été alloué à la réalisation du projet Ex Machina qui permettra la mise sur pied d'un centre de création et de production artistique multifonctionnel. Il s'agit d'un projet novateur et structurant qui permet de réaffirmer le rôle culturel de la capitale. À Québec, je compte aussi faire en sorte qu'on trouve rapidement une formule de gestion appropriée pour rendre accessible et mettre en valeur la Place Royale, symbole par excellence de ce joyau du Patrimoine mondial.

À Montréal, notre gouvernement a également consenti une aide financière de 6 000 000 $ au Théâtre du Nouveau Monde, dont 2 000 000 $ proviennent du ministère de la Culture et des Communications et 4 000 000 $ du ministère des Affaires municipales. Cette intervention était nécessaire et très attendue.

4.4. Le développement cohérent de l'autoroute de l'information

Le développement de l'autoroute de l'information est un enjeu fondamental pour le Québec. Aussi avons-nous défini une stratégie qui présente des mesures concrètes pour aller de l'avant et qui met également en place des mécanismes de nature à nous assurer que cette autoroute se développe en respectant les valeurs culturelles, sociales et économiques qui font consensus actuellement dans notre société.

La réalisation de l'autoroute de l'information devient également pour le Québec un moment privilégié pour la mise en oeuvre d'une politique économique fondée sur la concertation et orientée vers la création d'emplois dans l'ensemble des régions du Québec. Elle assure aussi le renforcement de l'innovation et le développement des exportations, notamment sur les marchés francophones.

En janvier dernier, en rendant publique notre stratégie, nous avons corrigé l'approche du précédent gouvernement qui avait négligé des dimensions majeures comme le développement de contenus et l'effet de levier que peuvent exercer l'appareil gouvernemental ainsi que les institutions publiques. Nous avons également rétabli l'ordre des priorités qui consiste à penser avant de dépenser.

Le gouvernement a assujetti le fonds de l'autoroute de l'information, c'est-à-dire une somme de 50 000 000 $, à de nouvelles orientations qui sont les suivantes:

Par ailleurs, l'appareil gouvernemental sera mobilisé en tant qu'utilisateur majeur de cette autoroute, notamment par la réorganisation des services qu'il peut offrir sur la base de ces nouvelles technologies. Le secrétaire général du gouvernement a formé un groupe de travail présidé par le sous-ministre de la Culture et des Communications. Ce comité formé de plusieurs sous-ministres et de conseillers en provenance de l'Observatoire de l'administration publique de l'École nationale d'administration publique a pour mandat de définir les conditions à respecter et les moyens à mettre en place pour assurer la modernisation de l'administration gouvernementale par l'utilisation des technologies informatiques. Nous connaissons dans ce secteur un retard qu'il nous faut combler de toute évidence.

4.5. La promotion des intérêts québécois sur le plan international

Pour être vivante et dynamique, la production culturelle et artistique du Québec doit avoir accès aux scènes internationales et aux marchés internationaux. Depuis longtemps, les artistes et les industries culturelles sont d'extraordinaires ambassadeurs pour le Québec. Il importe - à l'heure de l'ouverture au monde - que l'État encourage le rayonnement de nos artistes et de nos entreprises.

Son appui peut prendre diverses formes, par exemple :

Si les moyens sont variés, et se doivent d'être modulés, il est cependant certain que le gouvernement du Québec entend encourager le <<génie québécois>> à participer activement aux mouvements de l'actualité culturelle et sociale, tant continentale qu'internationale.

Dans ce vaste chantier qui souffrait de regrettables retards, permettez-moi, Monsieur le président, de rappeler la place privilégiée qu'occupe la francophonie. Lors de ma rencontre de janvier dernier avec le premier ministre de la France, M. Édouard Balladur, nous sommes convenus de mettre en oeuvre, dès cette année, un plan d'action conjoint pour assurer l'utilisation du français et pour créer des produits éducatifs et culturels pour les autoroutes de l'information.

Nous avons également relancé la coopération culturelle franco-québécoise dans les domaines de l'édition, de la production artistique, cinématographique et audiovisuelle. Nous avons encouragé l'extension récente du réseau TV5 à l'Asie et prochainement aux États-Unis.

Les ententes interinstitutionnelles ou intergouvernementales peuvent considérablement faciliter les échanges entre individus, institutions ou entreprises. Mais toutes ces conditions facilitantes ne seront que des coquilles vides si elles ne sont pas accompagnées d'une véritable volonté d'agir.

À cet égard, je vous rappelle que nous avons récemment annoncé l'aboutissement d'un projet de librairie du Québec à Paris. Celle-ci sera en activité en septembre et permettra d'accroître la diffusion du livre Québécois et le rayonnement de la littérature Québécoise en France et en Europe.

Parmi les différents leviers dont nous disposons pour agir sur la scène internationale, il y a la Société de développement des entreprises culturelles, dont le budget a été majoré de 600 000 $ pour le volet exportation. Il faut mentionner également l'impact important que peut avoir l'action concertée du ministère de la Culture et des Communications et des sociétés d'État qui investissent plus de 10 000 000 $ à diverses activités d'exportation et de rayonnement.

4.6. La promotion de la langue française

Naturellement, l'état de santé de la langue française au Québec est au coeur de nos préoccupations culturelles et politiques. Le fait que le ministre de la Culture et des Communications soit également responsable de l'application de la Charte de la langue française traduit bien l'étroite relation que nous entendons maintenir entre langue et culture.

Notre préoccupation à l'égard de la langue se manifeste et se concrétise dans plusieurs de nos actions.

La langue française doit continuer d'exprimer nos valeurs culturelles. Les Québécois doivent avoir accès à une culture dans leur langue, d'où la nécessité de soutenir une création qui utilise la langue française, ainsi que de s'ouvrir et de contribuer à la culture francophone d'ailleurs.

La santé de la langue passe également par une attitude attentive au développement des nouvelles technologies de l'information. Les préoccupations dont j'ai fait état plus tôt à l'égard de l'autoroute de l'information sont étroitement liées aux enjeux linguistiques.

Par ailleurs, la qualité de notre langue est intimement associée à la qualité de l'éducation que nous assurons aux générations montantes. À ce sujet, les États généraux de l'éducation seront une occasion de réflexion sur la langue à l'école et sur le rôle de notre système d'éducation. J'ai eu l'occasion d'exprimer mes attentes à cet égard lors du lancement des États généraux dimanche dernier.

Enfin, près de vingt ans après l'adoption de la Charte de la langue, je compte faire établir un état de situation de la langue française. Le Conseil de la langue française, l'Office de la langue française, le ministère de la Culture et des Communications et les nombreux ministères interpellés par cette question seront associés à cette démarche qui vise à une prise de conscience, à un bilan éclairé et à l'actualisation de notre politique linguistique dans le respect des besoins et des attentes de la société québécoise.


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